Paranoid Park
Paranoid Park reprend la ligne d’une trilogie de l’adolescence entamée en 2003 avec Elephant puis Gerry. Ici, pas de massacre collectif longuement planifié mais un meurtre accidentel. Pas de trajectoires rectilignes qui se coupent dans le sang, mais une série de lacets et de courbes que la caméra du chef‑opérateur Christopher Doyle épouse, notamment en Super 8. Pas de violence latente qu’un événement libérateur viendrait dépenser non plus, mais les déambulations cool et vaguement mélancoliques d’un ado de 16 ans qui, suite à la mort d’un agent de sécurité aux abords de Paranoid Park (zone bétonnée pour skateboarders jouxtant la gare de triage de Portland), décide de se taire.
Récit fractionné
Défini par GVS lui‑même comme une version lycéenne de Crime et châtiment (voir la version de Georges Lampin avec Robert Hossein), Paranoid Park rejoue la déconstruction du récit (sauts de puce autour de l’événement fatal entre le passé et le présent) et épouse une forme qui, à moins d’y lire l’éclatement identitaire mais peu crédible du personnage, frôle sans cesse la coquetterie. Avec Elephant, GVS avait su conjuguer à la perfection fait divers (tuerie de Colombine) et forme souveraine (toujours à la limite du monumentalisme, mais justement, à la limite) et une description dégagée de tout moralisme du monde des adolescents d’aujourd’hui.
Trop cotonneux ?
Deux films plus tard, GVS patine et nous prouve combien les mêmes ingrédients ne conduisent pas toujours aux mêmes plats. On peut se laisser à nouveau charmer par le style sensoriel du cinéaste de Portland, ajuster son regard à la petite hauteur du skate et s’installer dans la bulle autiste et cotonneuse dessinée par ses arabesques. Mais à force de glisser à la surface des choses et de coller à ces personnages dramatiquement désengagés (les nouvelles qui parlent de la guerre ne l’intéressent pas, avoue l’ado au milieu du film), à force de ne plus saisir que leur grâce juvénile qui devrait (ou voudrait ?) compenser leur rapport ahuri au monde (voir la façon dont Alex règle son trauma en clin d'œil), on finit par désirer un peu de gravité. De retour au réel. Une pincée de Larry Clark en somme.