Once Upon a Time… in Hollywood
Comme l’indique son titre, le dernier film de Quentin Tarantino s’inscrit dans une démarche de conte. Une vision rêvée de Hollywood et du cinéma, fantasmée et assumée par le plus grand représentant de la pop culture cinéma actuelle. Un ovni cinématographique maîtrisé du début jusqu'à la fin, merveilleuse. Son meilleur film.
Tout commence à Hollywood en 1969 avec l'acteur Rick Dalton (Leonardo DiCaprio, excellent) qui, soutenu par Cliff Booth (Brad Pitt, la coolitude incarnée), sa doublure cascade de toujours, essaie inlassablement d'éviter de devenir un acteur has been. L'industrie du cinéma est alors en pleine mutation et la transition vers le Nouvel Hollywood semble inexorable, le western vit alors ses derniers instants. Rick Dalton a d'ailleurs pour nouveaux voisins deux des plus illustres représentants de la nouvelle génération, la jeune comédienne et très prometteuse Sharon Tate (Margot Robbie) et son mari Roman Polanski, qui vient de signer l'immense succès cinéma Rosmary's Baby.
En maître des horloges, des destins et de la vie de ses personnages, Quentin Tarantino fait preuve d'une audace incroyable. Et comme il n'en est pas à son coup d'essai ‑il a déjà démontré qu’il était capable de tout, y compris de dessouder Hitler en 1942 dans Inglourious Basterds‑ on se demande encore comment certains découvrent encore aujourd'hui son incroyable capacité à tordre la réalité pour mieux l’incorporer à son récit. Et cette fois‑ci, il s'attaque non pas un simple fait divers sordide (le meurtre de Sharon Tate enceinte de six mois par une bande d'illuminés sectaires), mais bien au point nodal qui fera basculer Hollywood et le monde entier dans une réalité implacable.
Et si Rick Dalton n'avait pas été là ce soir‑là ? Et s'il n'était pas cet acteur du passé qu'il pense être mais plutôt une référence ? Tarantino livre une utopie collective cathartique et une vision cinématographique d'un monde qui le hante. Un monde qui continuerait de nous faire rêver sur pellicule, un monde où les décors, les doublures, les effets spéciaux et bientôt les acteurs, ne sont pas en image de synthèse…
Quel plaisir de voir Tarantino malmener Leonardo DiCaprio à travers son personnage d’acteur en plein doute, au point de le faire mal jouer la comédie. Quel bonheur de voir Brad Pitt en maître du cool, flegmatique, charmeur, dans un de ses meilleurs rôles. Quelle merveille de se plonger dans le regard plein d’innocence de Margot Robbie, qui n’a de cesse d’étonner par son naturel déconcertant et ses capacités de transformation, prouvant une fois de plus qu'elle sait et peut tout faire. Enfin, quelle jouissance de voir éclore la pleine maturité de la réalisation de Tarantino, capable de nous faire naviguer entre western, film de karaté, série B, horreur pure (séquence d'un régal dévastateur avec lance‑flammes surpuissant et pitbull sur les dents), comédie, policier et drame mélancolique.
Descendu par les adeptes de la critique expéditive en 150 signes, eux‑mêmes étrillés par le réalisateur et critique Jean‑Baptiste Thoret, Once Upon a Time… in Hollywood est déjà une référence et ne donne qu'une envie une fois le dernier plan (totalement renversant) terminé, recommencer aussitôt. N'en déplaise à la génération qui aura vu la disparition d'une certaine idée du cinéma.