Oddity

Par une nuit sombre en pleine campagne irlandaise, dans une grande propriété qu'elle était en train de rénover, une jeune femme est assassinée sauvagement. Quelques instants auparavant, un patient de son époux psychiatre était venu toquer à sa porte. Un an plus tard, la sœur jumelle de la victime, une médium aveugle tenant un magasin de curiosités, décide d'éclaircir les circonstances étranges qui entourent ce meurtre en retournant sur les lieux du crime, accompagnée d'une étrange poupée...

Damian McCarth, un nouveau nom du cinéma d'horreur venu d'Irlande

Depuis quelques années, c'est une nouvelle génération de cinéastes irlandais qui s'attache à faire vivre le cinéma horrifique indépendant sur l'île : Kate Dolan (You Are Not My Mother en 2021), Lee Cronin (The Hole in the Ground en 2019), mais également Damian McCarth, que l'on avait pu découvrir avec le sombre Caveat en 2020. Quatre ans plus tard, il signe avec Oddity son deuxième long métrage, un film d'épouvante terriblement efficace récompensé récemment du Prix du public au Festival du film fantastique de Gérardmer. Se déroulant principalement dans les couloirs sombres d'une ferme réaménagée au beau milieu de nulle part, Oddity utilise son économie de moyens pour nous servir un huis clos fantomatique minimaliste extrêmement tendu, qui croise enquête surnaturelle, humour noir et moments de frissons particulièrement bien menés.

© 2023 Shudder / Keeper Pictures Limited / Nowhere Content inc

Laisser le spectateur sur ses gardes

Débutant sur les chapeaux de roues avec une introduction particulièrement menaçante, Oddity sait mener le spectateur au rythme de son train fantôme pendant 98 minutes : porté par une intrigue qui croise le présent et le passé pour lentement dévoiler ses mystères (et ses multiples twists), le film laisse planer en permanence le doute sur ses propres personnages et leurs intensions, retournant régulièrement les jeux de pouvoir et de manipulation pour semer le doute et laisser le spectateur sur ses gardes. Qui doit‑on vraiment craindre dans la pénombre ? À quel point sommes‑nous en présence de forces qui nous dépassent ? Qui croire ? Oddity avance à pas feutrés pour mieux nous berner, trouvant un bel équilibre entre horreur et thriller.

Excellente Carolyn Bracken

Il faut saluer l'interprétation brillante et mystérieuse de Carolyn Bracken, qui a la gageure d'interpréter le double rôle de la médium et de sa sœur jumelle assassinée, affichant une capacité de transformation impressionnante d'un personnage à l'autre. Si nous sommes aux côtés de la victime dans ses derniers instants pour des flashs de pure terreur, le rôle de sa sœur aveugle (et de la poupée glauque qu'elle transporte) est lui bien plus opaque, instaurant une inquiétude diffuse avec de longs moments de tension et de silence qui éclatent soudain dans des jump scares redoutables, sans pour autant tomber dans l'effroi facile. Oddity fait trembler, mais comme après une bonne montagne russe, on en redemande (on vous conseillera d'ailleurs de regarder le film à plusieurs à défaut de le découvrir en salle, tant la tension collective joue en la faveur du film).

© 2023 Shudder / Keeper Pictures Limited / Nowhere Content inc

Et si les effets conjurés à l'écran sont somme toute assez classiques pour le genre (un grincement mystérieux dans une pièce sombre, une apparition glaçante dans le dos des personnages, une caméra qui capture sans le vouloir une ombre à l'arrière‑plan), la réalisation sans chichis de Damian McCarth débouche sur un film bien ficelé et inventif, où on se laisse prendre au jeu des sursauts répétés. On regrettera qu'un ensemble de facilités scénaristiques viennent alourdir le film dans son dernier tiers, avec des révélations parfois franchement tirées par les cheveux. Malgré cela, jusque dans ses excellentes dernières secondes, Oddity a quelque chose de satisfaisant, nous laissant avec un vif sourire et un rythme cardiaque un peu augmenté au sortir de son petit théâtre glauque et surnaturel.