Nuits blanches
Un soir de promenade, Mario (Marcello Mastroianni) rencontre une magnifique blonde qui attend sur un pont. Le temps de trois nuits, les deux êtres apprennent à se connaître. Mais Mario, déjà fou de Natalia (Maria Schell), voit son amour contrarié dans la mesure où la jeune femme s’est promis d’attendre le retour de son bien‑aimé, une année durant. Trois nuits et si peu de temps pour la conquête d’un amour désespéré…
Inspiré d'une nouvelle éponyme de Dostoïevski, Nuits blanches de Luchino Visconti nous enveloppe dans la brume dense et lumineuse de la ville de Livourne, remarquablement reconstituée pour l’occasion dans les studios de Cinecittà. Captées en 1957, trois ans après Senso, lequel arborait les couleurs flamboyantes du Technicolor, ces nuits de romance impossible se parent ici du noir et blanc d’un réalisme poétique carnéen, comme pour mieux préciser les frontières entre la réalité et le rêve éveillé.
Ainsi, au détour d’une rue humide, les ombres évanescentes impriment leurs volutes expressionnistes dans un espace fuyant, telle la relation incertaine éprouvée par les deux personnages. Les contrastes lumineux imposent la loi d’un antagonisme esthétique, tandis que l’onde statique de la lagune évoque aussi bien l’attente de Natalia abandonnée que l’immobilité sentimentale dans laquelle se fige l’anti‑couple. On croit parfois qu’une barque empruntée, tard dans la nuit, pourrait les écarter de cette geôle onirique, mais les caprices climatiques et le sifflement lointain des cornes de brume auront raison de leurs utopies.
Une brèche dans le temps, ensorcelante, signée par le futur réalisateur du Guépard et de Mort à Venise. Pour la petite histoire, notons enfin que la nouvelle de Dostoïevski servit aussi de base à Robert Bresson (Quatre nuits d'un rêveur) et à James Gray pour son Two Lovers.