Nord
Ancien champion de ski, Jomar n’est plus que l’ombre de lui‑même. Des années après un accident qui l’a écarté de la compétition, il est employé dans une petite station de montagne. Il y a bien longtemps que la femme qu’il aimait l’a quitté pour son meilleur ami, Lasse. Solitaire et dépressif, Jomar laisse passer le temps, jusqu’au jour où Lasse vient le voir et lui révèle qu’il a un fils, qui vit avec sa mère dans le Nord du pays. Jomar décide de tout plaquer pour aller retrouver cette nouvelle vie qui l’attend. Commence alors un voyage cahin‑caha en motoneige à travers la Norvège.
La Norvège, ses étendues neigeuses, ses montagnes désertes, sa solitude, son ennui… Dans un cadre souvent propice au film d’auteur dépressif, Rune Denstad Langlo décide de prendre le contre‑pied des clichés qui collent au cinéma de son pays et signe un road‑movie initiatique léger et loufoque qui, sans jamais chercher à titiller la corde sensible du spectateur, parvient à se rendre immédiatement attachant.
La performance d’Anders Baasmo Christiansen, parfait dans le rôle de Jomar, y est pour beaucoup. Gros nounours maladroit et renfrogné, le personnage ressemble à un gosse de 40 ans qui se résout enfin, non pas par volonté, mais en raison d’un coup du sort (il fait brûler par inadvertance sa cabane de fonction !), à changer les choses. Rune Denstad Langlo a le bon goût de conférer à son périple une simplicité aussi bien narrative que visuelle qui permet au récit de couler avec une belle fluidité. Filmés au format CinémaScope, les paysages norvégiens deviennent au fur et à mesure un appel à la liberté, tandis que le scénario laisse parler les regards et les situations, ne faisant pas un usage immodéré des dialogues. Jomar croisera ainsi une belle galerie de protagonistes qui lui renverront tous une facette de lui‑même.
Principal ennemi de tout ce petit monde : la solitude. Une gamine rêveuse en recherche d’affection, un adolescent incapable d’avouer son attirance pour les hommes, un vieil ermite vivant sous un tipi à l’écart de sa famille… Tous sont au final en demande de contacts humains, ce que Jomar, sans le vouloir et peut‑être même sans le savoir, leur offrira. Ayant ainsi appris à renouer avec le monde, il est fin prêt à rencontrer cette nouvelle famille, pour se construire un futur que l’on ne pourra qu’imaginer… Sans révolutionner un genre largement balisé, Nord est l'occasion d'un petit voyage drôle et émouvant qui, malgré ses paysages réfrigérants, réchauffe le cœur comme un coup de gnôle en plein hiver !