Nope
Nope met en scène les habitants d’une vallée perdue au fin fond de la Californie bientôt témoins d’une terrible découverte à caractère surnaturel. Parmi eux, OJ, un dresseur de chevaux mutique, et sa sœur Emeral, artiste protéiforme et bavarde qui n'arrive pas à percer à Hollywood. Avec l'aide d'un vendeur en électronique, ils vont tenter de surmonter leur peur de l’incompréhensible pour être les tout premiers au monde à filmer le phénomène, afin de devenir riches et célèbres.
Après Get Out et Us, Nope est le troisième long métrage du réalisateur Jordan Peele, la référence incontournable du thriller horrifique à fort message social, nouvelle coqueluche de Hollywood. Il pousse ici le curseur encore plus loin en insufflant à son genre de prédilection, le thriller horrifique, une dimension SF plus que réjouissante.
Quand la société du spéctacle dérape
En inscrivant son récit dans une évolution lente et captivante, Jordan Peele prend le temps de soigner son cadre comme son sens du timing absolument époustouflant, alternant moments de pure comédie et de terreur absolue (et ça commence fort avec la première séquence pré‑générique qui trouvera son épilogue en toute fin de film). Comme toujours avec Peele, la dimension hybride du film est d’autant plus fascinante qu'elle est au service d’une narration exemplaire, elle‑même truffée d'un sous‑texte glaçant sur notre époque, la société du spectacle, des réseaux sociaux, des chaînes people, des sitcoms et autres télé‑réalité.
Le monstre hollywoodien
Une fois le canevas savant achevé, il est bien difficile de se défaire d'un autre sens profond du film, pointant du doigt le sort des acteurs afro‑américains, d'abord exploités avant d’être littéralement avalés, digérés et écartés par la voracité systémique (politiques des représentations), pour ne pas dire « raciste », hollywoodienne. Le monstre finira d'ailleurs par avaler ses proies adeptes du spectacle bas de gamme au moyen d'un orifice étrangement carré contrastant avec son allure organique et fluide, format identique à celui du projecteur cinéma du début qui montrait un plan historique constitué des toutes premières images animées d'un cheval au galop chevauché par un jockey noir, aïeul fictif de nos deux héros mais vrai oublié de l'histoire du cinéma.
Un film de genre hommage et singulier
Si la filmographie de Jordan Peele, et plus particulièrement Nope, est hantée par le thème de la substitution forcée et du monde vivant asservi par l'avarice (OJ, ami des chevaux, est le premier à reconnaître le caractère animal du « l'ovni »), elle s’inspire aussi énormément du cinéma de genre US. Difficile en effet de ne pas voir dans Nope un hommage sincère et réussi aux Dents la mer et à Rencontres du troisième type de Steven Spielberg, ainsi qu'aux meilleurs films M. Night Shyamalan, dont Signs.
Si niveau thématiques, le film fait un carton plein, son casting n’est pas en reste, même si on est un peu plus réservés sur le neurasthénique Daniel Kaluuya que connaît bien Jordan Peele pour l’avoir dirigé lors de son premier long métrage, Get Out. Keke Palmer, qui joue sa sœur, offre une prestation remarquable, énergique et réjouissante, comme tout le reste du casting. Un film à différents niveaux de lecture, aussi beau graphiquement que symboliquement.