- Analyse du film par JB Thoret (30’49')
- Entretien avec Donald Sutherland (24’13')
- Entretien avec Allen Scott (15’08 ')
- Entretien avec Anthony Richmond (24’54')
- Le film vu par Danny Boyle (15’48')
- Le film vu par Justine Triet (13’53')
C’est après un appel de Nicolas Roeg que Donald Sutherland embarque dans l’aventure vénitienne qui marquera un tournant décisif dans la vie. En discutant avec le cinéaste sur le pouvoir de prémonition qui ne devrait pas coûter la vie à son personnage, l’acteur capte rapidement que seul le cinéaste aura le dernier mot : « J’ai soudain compris que les acteurs étaient des ouvriers », confie‑t‑il.
Le film lui permet de redécouvrir Venise, ville dans laquelle il fit seulement une escale suite à une méningite (après le tournage de Brian G. Hutton De l’or pour les braves. Une anecdote incroyable : il se retrouve suspendu dans les airs (à 15 m du sol) lorsque le cascadeur se débine à la dernière minute. Lorsque Sutherland raconte qu’il tournait littéralement en vrille dans les airs, Vic Armstrong (cascadeur et réalisateur britannique, il fut la doublure régulière d’Harrison Ford) lui confie cette remarque loin d’être rassurante : « Tu tournais en vrille ? En torsion, un câble se rompt ».
L’acteur revient également sur la célèbre (et controversée) scène de sexe du film, considérée à tort comme une séquence voyeuriste. Il précise que c’est plutôt la boule au ventre qu’il l’a appréhendée avec sa partenaire. Impossible de soutenir la polémique selon laquelle le sexe n’est pas feint dans la mesure où les scènes (toutes muettes) ont sollicité des prises très courtes, saturées par le bruit de deux Caméras Arriflex étouffeuses de son… Il y a donc plus sympa en termes d’intimité.
Pour finir, Sutherland garde en mémoire un inoubliable souvenir de tournage, il admire le travail de Roeg (d’ailleurs, son fils se prénomme ainsi), « Il avait le film en tête, image par image, il le voyait », et considère, à l’instar des Vénitiens, que Dont’ Look Now est le film qui représente le mieux Venise.
Allen Scott, co‑scénariste du film, porte aussi bien la casquette de producteur que celle de l’écrivain. Il débute à la fac avec des pièces et des comédies musicales avant d’appréhender le monde audiovisuel. Deuxième ou troisième scénario de commande, Ne vous retournez pas a sollicité un immense travail de réécriture ainsi que la modification de deux éléments clés. Dans la nouvelle de Du Maurier, la petite fille déjà disparue (sa mort n’est donc pas décrite) annule la dimension prémonitoire qui plane sur l’histoire. Second changement : le couple décide de partir à Venise afin de faire le deuil de leur enfant, alors que dans le film, les Baxter s’y rendent pour une mission professionnelle. Architecte‑restaurateur, John Baxter trouve ainsi une place et tient un rôle concret dans cette ville.
DOP au CV sensationnel (il a travaillé avec François Truffaut, John Schlesinger, John Sturges, Basil Dearden), Anthony Richmond débute comme assistant de production (autrement dit, garçon de courses chargé de porter des pellicules du labo jusqu’à la salle de montage) chez Pathé News, puis devient assistant caméraman sur les grands événements en Grande‑Bretagne. Il raconte la facilité avec laquelle il est passé du documentaire (consacré aux rock stars de la période, les Beatles, les Stones…) à la fiction. En 1971, Richmond fait partie de la seconde équipe de tournage sur le film Walkabout (pour les captations de plans de paysages sans les acteurs). Leur collaboration se poursuit en 1976 avec L’homme qui venait d’ailleurs (avec David Bowie) et le thriller porté par Art Garfunkel, Enquête sur une passion (1980). Après trois jours de repérage à Venise, il attaque le tournage de Ne vous retournez pas qui s’étale sur six semaines (une courte durée pour un film si complexe). Le directeur de la photo raconte le rapport unique et symbiotique qu’il a gardé avec son mentor, Nicolas Roeg.
Danny Boyle a deux films de chevet : Apocalypse Now et Don’t Look Now. Le cinéaste nous explique sa fascination pour le film et le cinéaste, capable de fractionner ou de fusionner le réel. Matière première de son œuvre, le temps est utilisé d’une singulière manière, une manipulation habile et cruciale qui structure le récit selon une perspective absolument singulière. À juste titre, Boyle considère le cinéaste comme le « grand poète du mental ».
Justine Triet donne ses impressions sur le film. Impressionnée par sa richesse et sa part indéchiffrable, la réalisatrice a également été séduite par ses effets de décomposition sonore et visuelle, elle relève une des belles idées du film : la lutte entre la vie et la mort du couple.
Enfin, l'analyse du film par JB Thoret, toujours passionnée et passionnante. Le critique devenu à son tour réalisateur (Michael Cimino, un mirage américain) replace le film dans l'œuvre du cinéaste, et le cinéaste dans l'histoire du cinéma. Incontournable.