Mourir peut attendre
Pas de faux suspense inutile. Mourir peut attendre est le dernier James Bond avec Daniel Craig, c’est aussi le moins bien écrit, le moins bien réalisé, le moins bien joué et, pire que tout, le moins « bondien » de toute la saga. Après autant d'attente, d'espoirs et de reports au cinéma suite à la pandémie, plus dure est la chute.
Depuis qu’il a mis hors d’état de nuire son ennemi juré Ernst Blofeld (Christoph Waltz), James Bond est à la retraite. Mais son passé le rattrape et Felix Leiter (Jeffrey Wright) ne tarde pas à le solliciter pour une mission plus que périlleuse.
2h40 de perdition
Le scénario d’abord. Et dire qu’ils se sont mis à quatre (Phoebe Waller‑Bridge, Neal Purvis, Robert Wade et le réalisateur Cary Joji Fukunaga) pour écrire cet imbroglio kafkaïen, lacrymal, multipliant les entorses aux codes du genre, ou plus exactement aux codes du personnage imaginé par Ian Fleming avec une désacralisation totale du mythe cinématographique, à commencer par un Bond à la retraite qui se voit privé de son matricule 007. Le « méchant », autre figure imposée d’un bon Bond, est si mal écrit qu'on ne comprend ni sa motivation, ni son plan et ni son exécution. Ne parlons même pas de l’intrigue, d’une colossale platitude étirée en longueur et ponctuée de longs tunnels de dialogues creux.
Cary Joji Fukunaga et les scènes d'action
La réalisation n’est pas meilleure. Mais où est donc passé le réalisateur éclairé, minutieux et inventif de la première saison de True Detective ? Cary Joji Fukunaga livre des scènes d’action d’une mollesse invraisemblable et vaines. C'est d'ailleurs la grande question du film : que retient‑on à la fin ? Pas une poursuite mémorable, pas un moment jouissif ou cathartique, pas de climax, pas un seul plan inoubliable. Ne parlons même pas du montage, brouillon de bout en bout.
Géniale Ana de Armas et magnétique Lashana Lynch
Et les acteurs ? Ils font ce qu'ils peuvent. Daniel Craig parvient à vraiment incarner son personnage l’espace de quelques séquences, notamment grâce aux deux seules raisons de se réjouir du long métrage : la géniale Ana de Armas et la magnétique Lashana Lynch. Elles ont peu de scènes mais emportent tout sur leur passage. On ne peut pas en dire autant des prestations de Léa Seydoux et Rami Maleck, aux prises avec des rôles totalement décousus.
Estocade finale au mythe
Puis arrive péniblement le final que certains critiques éclairés par la woke culture qualifient de « meta ». On y voit plutôt l’estocade finale d’une funeste mascarade cinématographique. Il y a même un certain sadisme dans l’intention de la production de renvoyer de manière heureuse au mythe pour mieux tout détruire ensuite. On n’avait pas vu pire manipulation de fans depuis celle orchestrée de main de maître par J.J. Abrams avec Le réveil de la force. La fin a le mérite d’éclairer sur deux choses : la première, c’est d’expliquer la véritable raison pour laquelle Danny Boyle a été renvoyé de la réalisation de No Time To Die ; la seconde, c’est le profil du prochain 007, il apparaît évident après avoir vu ce film.
En attendant, ce serait bien que Q invente un truc pour arrêter la centrifugeuse rotative à propulsion nucléaire qui fait se retourner Ian Fleming dans sa tombe depuis ce No Time to Die.