Mon petit renne
Un jour, Danny, humoriste fauché, manifeste un peu de gentillesse envers une femme fragile en lui offrant un verre. Un geste anodin qui va déclencher un drame et une obsession maladive qui détruira leur vie à tous les deux.
Roi et Renne
Tout comme Icon of French Cinema de Judith Godrèche, Mon petit renne est une autofiction en très grande partie fondée sur la propre expérience de son auteur/acteur principal : Richard Gadd. Une précision qui fait froid dans le dos à force que la série avance, d’autant plus que ce dernier n’épargne ni son intimité profonde, ni sa part de responsabilité dans la situation de harcèlement et d’emprise subie, racontée en sept courts épisodes.
La force et la puissance de Mon petit renne résident en grande partie dans cette absence totale et dévastatrice de manichéisme, qui fait de plus en plus défaut de nos jours, où tout doit être soit blanc, soit noir. Ce qu’elle décrit est complexe : harceleur et harcelé sont liés autant par une souffrance qu’une attraction malsaine. Être harcelé, c’est au moins exister dans le regard de quelqu’un, et cela, la série le fait bien comprendre.
Flottant non‑stop dans une zone grise malsaine, Mon petit renne tente de percer le lien étrange qui lie bourreau et victime. Et même si l’histoire est racontée du point de vue de ce dernier, difficile de voir en Danny un véritable héros sériel sans jamais ressentir aussi de l’empathie pour Martha (géniale Jessica Gunning). Le processus d’emprise et de harcèlement est décrit avec minutie, dans toute sa complexité. Et il vous sera sans doute très difficile de regarder désormais un arrêt de bus sans penser à la solitude et au terrible mal‑être de ce personnage qu’on a du mal à oublier après visionnage…
Drôle de vie
Bien que visiblement assez fauchée, la série ne s’affranchit pas d’une certaine exigence artistique. D’ailleurs, sa réalisation surprend, au début. Les dominantes rouges piquent un peu les yeux, à l’instar du costume de scène de Dany, les musiques arrivent souvent avec un temps de retard et, peu à peu, un étrange malaise s’installe pour le spectateur. Malaise qui culminera avec l’épisode 4 dont nous ne révélerons pas la nature, mais qui ne vous laissera certainement pas indifférent.
La force de la série est certes son propos, mais aussi son ton et sa mise en scène, à l’opposé des exigences d’efficacité en vigueur actuellement. La série fait toujours un pas de côté, parfois, c'est glaçant, parfois presque comique. Le spectateur a toujours un petit temps de retard, comme s’il ne prenait pas conscience tout de suite de ce qu’on lui raconte. Cette mise en abyme avec le ressenti du personnage est vertigineuse. Elle nous fait nous questionner sur nos propres actions passées ou présentes à longueur d’épisode. Avons‑nous été victime ? Bourreau ? Nous aussi parfois, à notre échelle… Attention, vous n’en sortirez pas indemne.