Bunker Palace Hotel
Dans un pays inconnu d’un futur proche, une dictature s’écroule. Le Bunker Palace Hotel devient le dernier refuge des dignitaires déchus. Tandis que les arrivées s’échelonnent dans le palace, le président, lui, tarde à se montrer. Or, Clara, une espionne rebelle, parvient à s’infiltrer dans l’hôtel…
Ça, c'est Palace !
Bunker Palace Hotel (1989) est la première réalisation du dessinateur Enki Bilal qui, pour l’occasion, s’est associé à son scénariste des débuts, Pierre Christin. Malgré beaucoup d’autoréférences à leur œuvre commune ainsi qu’aux premiers travaux solo de Bilal, le film n’est pas une adaptation d’une bande dessinée préexistante. On y retrouve néanmoins la transposition de son univers graphique et politique.
À la fois farce grotesque et dystopie froide, Bunker Palace Hotel est avant tout un huis clos aux accents brechtien dont l’histoire importe moins que ce qu’elle nous dit. Il ne faut donc pas s’attendre à une intrigue au cordeau ni à des scènes d’action époustouflantes, mais plus à une ambiance et une réflexion sur notre monde, où du moins le monde de 1989.
Plus de 30 ans après sa sortie, il est frappant de constater que le film n’a pas vraiment vieilli (hormis quelques aspects techniques high tech, certains effets spéciaux et une chromie datée). Il reste un ovni entre cinéma expérimental et bande dessinée sur pellicule. À sa sortie, le film était déjà original, il est aujourd’hui encore par bien des aspects très avant‑gardiste. Film d’ambiance qui ne ressemble à nul autre, Bunker Palace Hotel fascinera sans doute encore longtemps par sa bizarrerie qui confine à l’absurde.
Film à dessins…
Là où le bât blesse, c’est que si Bilal a évidemment maqué la bande dessinée du XXᵉ siècle, il n’en est pas réalisateur pour autant. Au‑delà d’un scénario confus, le film manque cruellement de fluidité et se regarde souvent comme une suite de case/scènes sans réelle cohésion. Les fans de son style unique seront conquis, les autres, peut‑être moins. Sans parler de certains dialogues…
Bien sûr, ce n’est pas le but du dessinateur qui, visiblement, prétend plus proposer une œuvre métaphorique que viscéralement cinématographique, il faut juste être prévenu. Cependant, on ne peut lui enlever une certaine cinéphilie jubilatoire, ne serait‑ce que par le choix d’un casting hétéroclite composé entre autres de Carole Bouquet, Maria Schneider, Jean‑Pierre Léaud et surtout de Jean‑Louis Trintignant, boule à zéro. Ils sont tous géniaux dans le film, surtout Trintignant, mais ce n’est pas une surprise. Chacun incarne à lui seul un morceau de l’histoire du cinéma (Belle de Jour/Le dernier Tango/Antoine Doinel/Un homme et une femme…) que le réalisateur s’amuse à déconstruire. Très belle idée de cinéma.
Reste que la direction artistique du film est unique en son genre. L'ambiance et les décors du film sont ses points forts. Son esthétisme est sublime et n’a pas pris une ride, mais elle fait pas tout non plus. Bilal, c'est un peu fait plaisir avec ce Bunker.
Enfin, il faut bien avouer que le discours politique du film s'est vu rattrappé par l'Histoire. Bunker Palace Hotel avait certes anticipé la fin du bloc de l’Est, le désarroi des apparatchiks et la dérive des oligarchies vers la décadence. Mais il n’avait pas imaginé la suite…