par Nicolas Bellet
29 janvier 2024 - 11h40

Bunker Palace Hotel

année
1989
Réalisateur
InterprètesCarole Bouquet, Maria Schneider, Jean-Pierre Léaud, Jean-Louis Trintignant
éditeur
genre
notes
critique
7
10
A

Dans un pays inconnu d’un futur proche, une dictature s’écroule. Le Bunker Palace Hotel devient le dernier refuge des dignitaires déchus. Tandis que les arrivées s’échelonnent dans le palace, le président, lui, tarde à se montrer. Or, Clara, une espionne rebelle, parvient à s’infiltrer dans l’hôtel…

 

 

Ça, c'est Palace !

Bunker Palace Hotel (1989) est la première réalisation du dessinateur Enki Bilal qui, pour l’occasion, s’est associé à son scénariste des débuts, Pierre Christin. Malgré beaucoup d’autoréférences à leur œuvre commune ainsi qu’aux premiers travaux solo de Bilal, le film n’est pas une adaptation d’une bande dessinée préexistante. On y retrouve néanmoins la transposition de son univers graphique et politique.


À la fois farce grotesque et dystopie froide, Bunker Palace Hotel est avant tout un huis clos aux accents brechtien dont l’histoire importe moins que ce qu’elle nous dit. Il ne faut donc pas s’attendre à une intrigue au cordeau ni à des scènes d’action époustouflantes, mais plus à une ambiance et une réflexion sur notre monde, où du moins le monde de 1989.

 

Plus de 30 ans après sa sortie, il est frappant de constater que le film n’a pas vraiment vieilli (hormis quelques aspects techniques high tech, certains effets spéciaux et une chromie datée). Il reste un ovni entre cinéma expérimental et bande dessinée sur pellicule. À sa sortie, le film était déjà original, il est aujourd’hui encore par bien des aspects très avant‑gardiste. Film d’ambiance qui ne ressemble à nul autre, Bunker Palace Hotel fascinera sans doute encore longtemps par sa bizarrerie qui confine à l’absurde.

 

Film à dessins…

Là où le bât blesse, c’est que si Bilal a évidemment maqué la bande dessinée du XXᵉ siècle, il n’en est pas réalisateur pour autant. Au‑delà d’un scénario confus, le film manque cruellement de fluidité et se regarde souvent comme une suite de case/scènes sans réelle cohésion. Les fans de son style unique seront conquis, les autres, peut‑être moins. Sans parler de certains dialogues…


Bien sûr, ce n’est pas le but du dessinateur qui, visiblement, prétend plus proposer une œuvre métaphorique que viscéralement cinématographique, il faut juste être prévenu. Cependant, on ne peut lui enlever une certaine cinéphilie jubilatoire, ne serait‑ce que par le choix d’un casting hétéroclite composé entre autres de Carole Bouquet, Maria Schneider, Jean‑Pierre Léaud et surtout de Jean‑Louis Trintignant, boule à zéro. Ils sont tous géniaux dans le film, surtout Trintignant, mais ce n’est pas une surprise. Chacun incarne à lui seul un morceau de l’histoire du cinéma (Belle de Jour/Le dernier Tango/Antoine Doinel/Un homme et une femme…) que le réalisateur s’amuse à déconstruire. Très belle idée de cinéma. 

 

Reste que la direction artistique du film est unique en son genre. L'ambiance et les décors du film sont ses points forts. Son esthétisme est sublime et n’a pas pris une ride, mais elle fait pas tout non plus. Bilal, c'est un peu fait plaisir avec ce Bunker.

 

Enfin, il faut bien avouer que le discours politique du film s'est vu rattrappé par l'Histoire. Bunker Palace Hotel avait certes anticipé la fin du bloc de l’Est, le désarroi des apparatchiks et la dérive des oligarchies vers la décadence. Mais il n’avait pas imaginé la suite…

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Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
17/10/2023
image
1 BD-50 + 2 DVD, 95', toutes zones
1.85
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 2.0
sous-titres
Français
7
10
image

Douce et délavée mais marquée par des tonalités fortes (le vert, le bleu), l'image de Bunker Palace Hotel marque quoi qu'il arrive la rétine. Ceux qui recherchent avant tout le piqué seront décontenancés, mais ceux qui cherchent l'empreinte artisitique dégusteront le film avec intérêt, d'autant que certains effets spéciaux très visibles aujourd'hui donnent en réalité à voir la patte de l'artiste derrière le film (certains décors d'arrière‑plan). Du cyberpunk austère et froid façon Enki Bilal.

5
10
son

Une ambiance sonore dépouillée, peu dialoguée, dont on retiendra surtout l'ouverture sur Bela Sam Bela Unate, un chant traditionnel du folklore bulgare. La piste stéréo est donc largement suffisante.

8
10
bonus
- 4 cartes postales, reproductions de dessins préparatoires et de l'affiche d'origine
- Interview de Enki Bilal (juin 2023) (46')
- Cinémonstre : montage réalisé par Enki Bilal à partir de trois de ses films (2006) (67')
- Introduction à Cinémonstre par Enki Bilal (5')
- Enki Bilal, souvenirs du futur (2019) (51')
- Reportage sur le tournage (archives INA, 1989) (3')

Quel plaisir de retrouver Enki Bilal face caméra. Il revient sur ses premiers pas dans le cinéma en ex‑Yougoslavie en tant qu'enfant‑acteur sachant dessiner. À l'époque, il découvre notamment les westerns américains puis arrive en France à l'âge de 9 ans. Aux origines de Bunker Polace Hotel, un court métrage à sketches collectif avec les dessinateurs Tardi, Mœbius et Druillet qui ne vera pas le jour, mais deviendra plus tard ce long métrage.

 

Un très belle zone éditoriale, notamment le module Enki Bilal, souvenirs du futur où l'on suit l'artiste dans ses ateliers à Paris et en Corse. On perçoit par bribe sa technique, son travail, son univers. À ne pas rater.

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