Michael Kohlhaas
Au XVIe siècle, dans le Sud de la France, Michael Kohlhaas, paisible et pieux marchand de chevaux originaire d’Allemagne, lance une sanglante révolte paysanne pour obtenir réparation du vol de deux montures.
Comment renouveler le genre du film historique ? Arnaud des Pallières propose ici une brillante double réponse : une approche documentaire ‑aucun plan n’embellit l’action dont la sauvagerie est livrée brute au spectateur‑ et une volonté farouche d’insuffler la vie dans son histoire. Le bruit du vent, la pesanteur du soleil, le souffle puissant des chevaux, la texture poisseuse des nappes de brouillard, chaque élément sonore ou visuel irrigue cette étrange histoire d’un homme prêt à tout pour laver l'injustice et obtenir gain de cause.
Pour réussir son coup, des Pallières a une flopée de couteaux affûtés dissimulés dans ses manches. D’abord, un certain Mads Mikkelsen. L’acteur, qui joue ici en français, met tout le monde d’accord avec des gestes d’une précision de sniper et des regards d’une intensité qui blesse et émeut en même temps. Qu’il caresse sa femme (magnifique Delphine Chuillot), affronte durement un guide spirituel acerbe (génial Denis Lavant), brave une bête politique (effrayante Roxane Duran) ou le regard d’acier de sa fille (Mélusine Mayance), l’acteur danois fait mouche.
Mais des Pallières ne se contente pas de cette géniale troupe de mercenaires : sa science presque irréelle du cadrage construit des tableaux documentaires dont l’architecture délicate déborde de vie, vibre de vigueur, blesse parfois par son acuité. Son sens de l’économie, sa capacité à donner de la sève à la moindre séquence déjoue tous les pièges : manque de moyens, numéro d’acteur, pesanteurs moralisatrices… Mieux encore, son récit, campé dans une époque passée qui n’a jamais paru si vivante, nourrit des interrogations morales totalement contemporaines. Chapeau bas.