par Carole Lépinay
14 juin 2024 - 16h14

Michael Cimino, un mirage américain

année
2021
Réalisateur
AvecOliver Stone, Quentin Tarantino, John Savage, James Toback, Stanley White, Jim Freiling
éditeur
genre
sortie salle
09/01/2022
notes
critique
10
10
label
A

Début 2020. Le réalisateur Jean‑Baptiste Thoret (We Blew it) embarque une équipe réduite avec lui pour un voyage hors du commun aux États‑Unis. Deux mois de tournage qui ressemble autant à un pèlerinage cinéphilique qu’à la continuité d’un road‑trip initié dix ans plus tôt aux côtés d’un immense cinéaste, figure majeure du Nouvel Hollywood : Michael Cimino (l'essai Michael Cimino, les voix perdues de l'Amérique paraît en 2013 chez Flammarion).

 

Première étape : Mingo Junction, ancienne petite ville sidérurgique au cœur de l'Ohio dans laquelle Cimino pose sa caméra en 1978 pour le tournage de Voyage au bout de l’enfer. Au détour d'un terrain vague, d'une ligne de chemin de fer désaffectée ou dans le bar du coin, dernier bastion d'une communauté marginalisée, les récits de tournage de l'époque composent avec le temps révolu d'un cinéma fédérateur. Le film de famille de Cimino trouve une résonance profonde avec les habitants de Mingo, on réalise leur précieuse contribution et combien leurs souvenirs inestimables remuent l'âge d'or d'une ville ‑la leur‑ désormais décatie. 

 

Autant de rencontres incroyables et touchantes (John Savage ému jusqu’aux larmes en écoutant Cavatina de Stanley Myers ou encore Stanley White, le policier qui inspira le personnage de Mickey Rourke dans L’année du dragon en 1985), que d’espaces parcourus à la recherche de mirages ciminiens qui impriment pour toujours l’Histoire de l'Amérique et du cinéma. Un magnifique film sorti en janvier 2022 au cinéma et de nouveau annoncé en salle à la rentrée le 4 septembre, en pleines élections présidentielles américaines.

 

 

sur les réseaux
proposer une vidéo
test
blu-ray
cover
Tous publics
Prix : 19,99 €
disponibilité
06/09/2023
image
1 BD-50, 130', couleurs
2.35
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
sous-titres
Français
9
10
image

Film dans le film, Un mirage américain fait sens à chaque plan, qu'il s'agisse d'un travelling sur une route du Montana (sur les traces de Shining) ou le long d'une voie ferrée à Mingo Junction. Tout renvoie ici à une page du cinéma, aux grands espaces et bien sûr aux films de Cimino, jusqu'au moindre zinc de comptoir de bar. Une traversée des USA à vue d'homme, de voiture, de cinéphile, pour un road‑trip stylé qui prend son temps, tourné en Scope et doté d'une photo soignée où le ciel est lourd, les contrastes marqués, le grain convoqué, le temps comme arrêté. Un mirage que l'on n'oubliera pas.

8
10
son

Thoret imprime son tempo, lent, contemplatif, comme une invitation à un surprenant voyage. Tous les entretiens sont parfaitement captés et rendus, idem pour les archives vocales de Cimino intégrées en fond sonore (issues de centaines d'heures d'enregistrements audio captés par Thoret lors d'un précédent road‑trip de sept semaines, un matériel à l'origine plutôt personnel). Cimino n'est pas là, mais il est partout. Et puis il y a la musique, à la fois celle qui renvoie immédiatement aux films du cinéaste, et celle composée par J‑B Thoret lui‑même, pour une immersion atmosphérique très efficace. 

10
10
bonus
- Rencontre entre Jean-Baptiste Thoret et Philippe Rouyer au Max Linder (41')
- Commentaire de séquences par J-B Thoret (47')
- Musiques du film (10')
- Bande-annonce
- Livret de 48 pages

Une rencontre formidable avec le réalisateur qui nous replonge dans cette extraordinaire aventure ciminienne. De la genèse du projet au choix du titre du film (qui devait initialement s’intituler Les daims de Mingo Junction mais comme tout le monde entendait « les dindes », Thoret a donc laissé tomber…), un inventaire dense du tournage passé sur les routes et dans les lieux précis. Au Hillsboro Tavern par exemple, où la communauté de Mingo Junction se retrouve et incarne un avatar tardif du Wage Bar de Voyage au bout de l’enfer.

 

Thoret évoque également la réticence des intervenants convaincus qu’ils n’avaient rien à dire, une remarque émouvante qui traduit un complexe de classe intériorisé mais joliment dépassé grâce au temps passé avec eux et à partager leur quotidien.

 

Aussi, huit séquences commentées par le réalisateur. Le film s’ouvre sur la « porte d’entrée principale » de la petite ville de Mingo Junction dans l’Ohio, il s’agit d’une citation directe de la séquence inaugurale de Voyage. De belles fulgurances poétiques parcourent ces instants choisis comme la voix diffuse du cinéaste qui proviendrait de la radio et flotterait dans l’air de la ville, ou cette idée de pérenniser le chef‑d’œuvre de Cimino au sein de la communauté en lui organisant une projection, un peu comme une famille se retrouverait face à un home movie.


Les rencontres avec James Toback et Quentin Tarantino permettent de mieux comprendre la quête ciminienne de l’Americana.


Enfin, une séquence bouleversante dans laquelle John Savage, qui avait pour consigne de rester dans un périmètre de la pièce, se met à pleurer à l’écoute du thème principal du film, Cavatina, composé par Stanley Myers. Une histoire plus intime entre en résonance avec cet instant suspendu et complètement inédit. Suivi d’un coup de cœur du cinéaste pour l’un des personnages du film, Jim Freiling, qui n’aura cessé de prendre de l’importance au fil du montage. L’œil vif et d’humeur enjouée, le mécanicien au charisme de pionnier irradie dans le ciel gris de Mingo Junction. À travers son rapport à l’individu et au travail, il incarne cette Amérique d’autrefois.

 

On apprécie le reportage d’une télé locale consacré au tournage du film. Et pour finir, la bande originale du film composée par le réalisateur, on embarque nous aussi dans l’épopée ciminienne.

en plus
soutenir
Recevez l’actualité tech et culture sur la Newsletter cesar
Inscrivez-vous
OK
Non merci, je suis déjà inscrit !