par Laurence Mijoin
13 décembre 2011 - 14h15

Melancholia

année
2011
Réalisateur
InterprètesKirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, John Hurt, Kiefer Sutherland, Charlotte Rampling, Alexander Skarsgard, Stellan Skarsgard
éditeur
genre
notes
critique
10
10
label
A

Justine et Michael (Kirsten Dunst et Alexander Skarsgard) se marient en grande pompe dans une vaste demeure bourgeoise qui appartient à la sœur et au beau‑frère de Justine (Charlotte Gainsbourg et Kiefer Sutherland). Tandis que la réception sombre peu à peu dans le chaos, la planète Melancholia se rapproche de la Terre…

Déclaré persona non grata au dernier Festival de Cannes pour ses plaisanteries sur Hitler et les Nazis, le provocateur Lars von Trier, n’en déplaise à ses détracteurs, a dévoilé toute sa sensibilité dans Melancholia, film catastrophe montrant l’apocalypse de manière totalement inédite. C’est‑à‑dire en creux, en silence, en retrait du monde.

D’une beauté picturale étourdissante dès le prologue, succession de tableaux quasiment immobiles s’inspirant notamment de l’œuvre de Millais et accompagnés de la musique de Wagner (le sublime Tristan et Isolde reviendra aux moments‑clés du film), l’œuvre réserve bien plus au spectateur que sa belle grandiloquence, que son apparat d’esthète.

Le plus poignant, ici, c’est la façon dont Trier filme la dépression ‑un mal qu’il connaît personnellement‑, faisant de Kristen Dunst (prix de la Meilleure actrice à Cannes) son double, son alter ego. Mais le cinéaste ne fait pas que dépeindre la dépression comme une maladie, il la montre également comme un état de grande lucidité, plaçant ainsi ceux qui en souffrent au‑dessus des autres. Pas vraiment en tant qu’êtres intellectuellement supérieurs, il ne s’agit pas d’un péché de vanité, mais comme des personnes extralucides par leur pessimisme.

La matière narrative du long métrage sublime le propos de son auteur. Le film est divisé en deux segments, que l’on pourrait croire complémentaires, mais qui au contraire se ressemblent étrangement. Rappelant le Festen de Vinterberg, la première moitié raconte le mariage de Justine et son délitement progressif en même temps que les conventions sociales volent en éclats. Et la jeune mariée, passive face à son destin, sera responsable de cette explosion. Le choix de la caméra à l’épaule façon Dogme s’avère judicieux, la technique employée permettant de rendre compte de la fragilité des relations entre les personnages, de l’instabilité des sentiments, de la banalité du chaos quotidien.

La seconde partie, attente contemplative d’une fin du monde annoncée, insiste sur la différence entre les deux sœurs, le personnage de Charlotte Gainsbourg (formidable comme toujours) tentant de réagir de manière rationnelle mais peu à peu gagnée par l’angoisse tandis que Justine, consciente car préparée au pire, attend avec détachement l’heure de sa délivrance.

Tout est question de destruction. Destruction de soi, de ses proches ou de la Terre entière. Justine ne trouve véritablement la paix que dans le chaos, celui qu’elle crée elle‑même ou celui qu’elle désire, ainsi que dans la transgression (voire les deux séquences jumelles, celle où elle trompe son mari dans le jardin avec un invité et celle où elle expose son corps nu à la Voie lactée). Finalement, cet astre aussi majestueux que menaçant n’est‑il pas simplement la projection astrale de la blonde évanescente ? Du grand art.

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Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
03/01/2012
image
BD-50, 129', toutes zones
2.35
HD 1 080p (AVC)
16/9 natif
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
sous-titres
Français (imposé sur la VO)
8
10
image
Les films issus du Dogme semblent aujourd'hui rentrés dans la normalité mais affichent un savoir‑faire instinctif lorsqu'il s'agit de capter les forces et tensions qui relient les personnages d'un film. La séquence du banquet hyper‑réaliste prend ici des allures de film dans le film et tranche littéralement avec l'esthétique glaçante et surréaliste qui ouvre et ferme Melancholia. Les références à la peinture abondent (Ophelia de Millais notamment), les images de synthèse font partie intégrante des tableaux et l'on navigue entre lumière et obscurité avec fluidité et étonnement. Un master HD qui restitue tout cela avec soin, en privilégiant les noirs, la densité, les gros plans comme les vastes paysages énigmatiques. On regrette juste un très léger manque de précision sur certains plans. À noter aussi, un grain un peu insistant, mais faisant partie intégrante de la patte de Lars von Trier.
7
10
son
La bande‑son de Melancholia n'est pas à proprement parler un monstre de puissance dévastatrice. Et heureusement, car ce qui se déroule à l'écran est déjà suffisamment fort. L'accent a dont été mis sur la musique classique, celle de Wagner entre autres, marquant de son empreinte solennelle la présence de la planète Melancholia et de ses effets sur les hommes. Apparitions marquées par des vagues d'infragraves, comme pour mieux incarner cette menace qui ne tardera pas à frapper. Mais le reste du temps, c'est (très !) calme. À noter, un débit sur la VF environ deux fois plus important que sur la VO (4 Mbps contre 2 Mbps et 6 Mbps contre 4 Mpbs sur la dernière scène), pour une ambiance plus précise au niveau des détails, mais des voix trop mises en avant. La VO sur ce point est plus équilibrée mais offre aussi une moindre présence.
10
10
bonus
- Autour du film (12')
- Conférence de presse intégrale du film à Cannes (41')
- Documentaire sur Filmbyen par Pablo Tréhin-Marçot, la ville-cinéma créée au Danemark par Lars von Trier et le producteur Peter Aalbek Jensen (54')
- Éclairage scientifique sur l'éventualité d'une percussion de la Terre par un astre déviant (4')
- La plastique du film (10')
- Les effets spéciaux (7')
- Commentaire audio de Lars von Trier, accompagné d'un maître de conférence danois
Il fallait ça pour accompagner ce film romantique et noir d'une sensibilité extrême, tenter d'amorcer sa démystification et l'éclairer des témoignages de l'équipe, Lars von Trier en tête. Différents modules abordent tout d'abord le long métrage par ses prismes les plus évidents : l'esthétique, les effets spéciaux, la science (existe‑t‑il une probabilité infinitésimale pour que la Terre soit un jour percutée par une planète ?). Une bonne entrée en matière laissant libre cours à l'imagination pour aborder Melancholia selon sa propre sensibilité, son rapport aux autres et à la vie, donc à la mort. La mort, un thème qui n'est pas abordé de manière frontale par Lars von Trier au cours de son commentaire audio (il évoque tout de même ses tocs, reliés à la peur de la maladie), accompagné ici d'un maître de conférence. En résulte un dialogue savoureux autour de la direction d'acteur, des scènes préférées du cinéaste danois, de celles qu'il apprécie moins pour leur esthétisme jugé trop kitch, de ses références (Tarkovski bien sûr), de la musique ou encore de sa « méthode » de filmage. Lars von Trier revient avec plaisir et une extrême drôlerie sur son film et sa maturité acquise au fil des années sur les plateaux de tournage. La présence du maître de conférence permet d'aiguiller son propos parfois confus et digressif. Un morceau de choix pour tout cinéphile et amoureux de la mise en scène. Un conseil, ne coupez pas à la dernière image du film, Lars von Trier revenant lors du générique de fin sur les événements cannois de cette année, conséquence d'une pure provocation de sa part, censée faire la nique au système et créer le buzz. Ce qui nous amène à la fameuse conférence de presse du film à Cannes, disponible ici en intégralité, et qui valut au cinéaste son exclusion du Festival. Après tout un flot de questions plus ou moins intéressantes, l'ambiance monte d'un cran dans les dernières minutes. Entouré de ses principaux comédiens (sans Kiefer Sutherland), Lars von Trier aborde d'étranges sujets (Hitler, les Nazis, Israël, les journalistes et la solution finale…). À ses côtés, Charlotte Gainsbourg, qui a déjà tourné Antichrist avec lui, sait le goût extrême du cinéaste pour la provocation, tandis que Kirsten Dunst semble plus mal à l'aise. La salle est désorientée, l'auteur de ces « drôles » de propos aussi visiblement, et le maître de cérémonie conclut la session dans un silence de plomb. Provocation qui court jusqu'à ce Blu‑Ray, dévoilant ainsi la conférence de presse au plus grand nombre par le biais de la vidéo. On terminera sur une note plus cinéphile avec le documentaire de Pablo Tréhin‑Marçot sur Filmbyen, la ville‑cinéma initiée par Lars von Trier au Danemark. Une nouvelle Mecque pour les acteurs du Dogme où tout a été pensé et conçu pour aider à la création, depuis l'écriture en passant par les effets spéciaux, les décors et bien sûr le tournage. Le secret de Filmbyen ? Folie et vitalité. À découvrir…
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