par Nicolas Bellet
27 août 2024 - 09h55

Megalopolis

année
2024
Réalisateur
InterprètesAdam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jon Voight
éditeur
genre
sortie salle
25/09/2024
notes
critique
4
10
A

Dans un New York fantasmé entre futur et antiquité, deux visions du monde s’affrontent. D’un côté, celle de l'architecte visionnaire César Catilina (Adam Driver), de l'autre, celle du maire Franklyn Cicero (Giancarlo Esposito).


Apocalypse, maintenant

Après sa présentation cannoise et les réactions qu’elle avait suscitées, on était à la fois impatient et inquiet de découvrir le film testament du réalisateur du Parrain, d’Apocalypse Now ou encore de Conversation secrète. Dire que la Croisette ne fut pas tendre ni avec Megalopolis ni avec Francis Ford Coppola est un doux euphémisme, mais l’auteur de ces lignes avait tout de même envie de donner sa chance au produit. Trêve de suspense : ce fut en pure perte.

 

Même si Coppola rêve de son film depuis 40 ans (et franchement, maintenant on le plaint), même s’il a hypothéqué une partie de sa fortune personnelle pour le réaliser tel qu’il le souhaitait (a priori, un déménagement est en vue), même si le casting est très excitant (certains agents vont perdre des clients), le film est bel et bien raté.


Ambitieux, imaginatif et fou comme beaucoup de films de Coppola, il l’est, c'est certain. Mais cela fait peine à voir, car rien ne fonctionne vraiment dans ce Mégalopolis qui porte si bien son nom. On ne sait pas trop si le film raconte l’opposition entre deux visions du monde, la fin d’un empire, une histoire d’amour contrariée, un deuil impossible, ou autre chose que l’on n’aurait pas réellement compris. Assurément, c’est du cinéma comme il en existe plus vraiment : un délire artistique inventif à la limite du surréalisme. Malheureusement, la poésie en moins.

Allez, golri !

Il est clair qu'avec ce Megalopolis, Coppola tente de nous présenter un opéra tragique shakespearien : relecture moderne du grand William entre Jules César et Coriolan. Mais non seulement, il a complètement oublié la musique et le Drama, mais surtout la flamboyance crépusculaire et la douce folie nécessaire à son projet. Tout le monde n’est pas Fellini, Coppola le premier. Depuis son four de 82 : Coup de cœur (One from the Heart), il aurait dû le savoir… Les SFX ne font pas tout, surtout s’ils sont cheap et ratés (ah, cette scène de discours à foule, hommage honteux à celle du Dictateur de Chaplin !).


Pire, le réalisateur ne fait pas confiance à son public. Les géniales métaphores visuelles de son film (et il y en a beaucoup) sont sans cesse expliquées, et par un dialogue plat et par la voix off omniprésente, au cas où l’on n’aurait pas compris. Résultat, cela tombe à plat et le film surnage dans la redondance. Dommage, car on ne peut nier une certaine inventivité visuelle et un trop‑plein d’idées finalement bien inutiles. Les allégories qui auraient pu le magnifier font surtout sourire. New York vu comme une Rome à l’agonie, métonymie de notre société en déclin, est une sublime idée de scénario, mais Coppola pousse tout à l’extrême et sans nuances, rendant le tout bien inutile. Il passe à côté de son chef‑d'œuvre, mais n'arrive jamais à se rattraper, au contraire des trapézistes de la scène ratée des jeux du cirque.


Tout est appuyé, trop, sans subtilité, dans une orgie de mauvais goût, à l’instar de ces tenues romaines dorées ou de cet arc ridicule dont sera victime Shia LaBeouf. Un acteur qui joue d’ailleurs de plus en plus en harmonie avec son patronyme. Cela dit, il est raccord avec le jeu de l’ensemble du casting, Adam Driver en tête. À leur décharge, ils ne sont pas aidés par les dialogues dignes de télénovelas. Et ce n’est pas parce qu’on glisse trois phrases en latin dans des empilements de platitudes que l’on devient Shakespeare.


Ils ne sont pas aidés non plus par le scénario. Écrit tout seul par Francis Ford Coppola, celui‑ci aurait mérité une seconde plume de la trempe d'un Mario Puzo ou d'un John Milius comme ce fut le cas pour Le parrain et Apocalypse Now. Ici, on sent la roue libre. La psychologie des personnages principaux est à peine esquissée par la voix off, quant à celle des autres, elle est incompréhensible (Dustin Hoffman ou Laurence Fishburne, en tête).

 

This is the end
Finalement, ce Megalopolis n’est pas forcément à jeter avec l’eau du bain car il fourmille de moments de cinéma. Mais bien trop courts, souvent inutiles (comme ce quatrième mur explosé durant la conférence de presse) et surtout bien trop appuyés, le film est surtout mégalo !


S’il restera sans doute dans l’histoire du cinéma comme un objet d’étude pour cinéphile averti, en revanche, il n'entrera pas dans le Panthéon (bien rempli) de son auteur. Espérons juste qu'il ne soit pas le testament annoncé de son auteur et qu'il doive en réaliser un dernier pour se renflouer. La dernière fois qu'il avait dû le faire, cela lui avait assez bien réussi (Peggy Sue s'est mariée). 

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