Maria
Enfermée dans son appartement parisien, Maria Callas, la dernière des divas, vit recluse les derniers instants de sa vie. Elle a perdu sa voix et, avec elle, probablement sa voie. En lutte permanente avec ses démons, elle tente tant bien que mal d’échapper à ses souvenirs et à ses fêlures passées à grands coups de médicaments.
Divagations
Après ses biopics sur Pablo Neruda (Neruda, 2016), Jackie Kennedy (Jackie, 2016), Pinochet (El Conde, 2023) ou encore Lady Di (Spencer, 2021), Pablo Larraín s’attaque à la Callas, incarnée ici par Angelina Jolie, la bien nommée. La star est magnifiée à la fois par le réalisateur et par un film qui interroge sans cesse le rapport à la célébrité et à la gloire passée. À la fois lent, épuré et presque répétitif, il se veut commme un opéra en trois actes clairement annoncés.
Diva un jour ou pour l’éternité ? Perdue dans ses pensées, la douleur de la perte d'Onassis, la Callas se remémore les moments forts de sa vie, mêle réalité et légende et, bercée par les opiacés, décide au final de ce qui est réel ou non. Quitte à dérouter ses proches… et le spectateur.
Si ce dernier peut rapidement être désorienté par ce biopic très buñuelien dans sa narration (le film cite d’ailleurs Buñuel, Truffaut et Resnais), il sera aussi hypnotisé par l’interprétation d’Angelina Jolie. Non pas qu’elle imite à la perfection la cantatrice, mais elle semble faire totalement corps avec ses doutes, ses regrets et son besoin viscéral d’adulation, tous empreints de solitude. Jolie trouve ici un rôle à la mesure de son talent et de sa propre célébrité déclinante. Complexe et limpide dans sa trajectoire, jusqu’à l’issue fatale.
Pratiquement de tous les plans, Angelina Jolie, qui avait perdu de sa superbe depuis longtemps, irradie totalement et insuffle à Maria une nostalgie mélancolique tout en rendant le personnage très personnel. L’actrice incarne à la perfection la diva ultime : cet être à part capable du haut de son talent de déplacer des montagnes (ici, des pianos), mais qui se retrouve bien seule dans sa cage dorée. Posséder le luxe de pouvoir entrer partout, sans jamais être libre nulle part. À part, peut‑être, dans ses pensées…
Bel-Air
En clôturant son triptyque féminin avec Maria Callas, Pablo Larraín se réservait la plus grande difficulté pour la fin. Car, outre l’évocation de Callas, il fallait surtout rendre la musique et raconter une diva qui ne chante plus.
Si l’interprétation d’Angelina Jolie est remarquable, il faut bien reconnaître qu’elle n’arrive jamais à l’aura de son modèle. Qu’importe, il s'agit surtout d'une évocation. Il y a de toute façon qu’une seule et unique Callas, et le film le raconte bien. Impossible à surpasser, c’est bien la Callas que l’on écoute durant tout le film, plus qu’Angelina Jolie que l’on regarde jouer. C’est injuste pour l’actrice, mais c’est comme ça et cela fonctionne.
Le film laisse pourtant une impression étrange, peut‑être parce qu'au final, nous connaissons davantage Callas par sa voix que par sa vie. Cette voix légendaire, qui enveloppe le film et résonne magnifiquement de scène en scène, est traitée comme un personnage à part entière, ou du moins comme le double de l’héroïne. Assurément, nous sommes en présence d’un film musical où tout tourne autour de la voix. Inutile d’être un mélomane averti pour tomber sous le charme. Près de 50 ans après son « extinction », sa puissance reste intacte.