Mama
La petite histoire d’Andres Muschietti ressemble à un conte de fées. En 2008, cet Argentin passionné de cinéma dessine des story‑boards et enchaîne des courts métrages fauchés qu’il met sur le net. Par chance, l’un d’entre eux, Mama, attire l’attention de Guillermo Del Toro, le pape contemporain du cinéma fantastique espagnol (Le labyrinthe de Pan) qui, depuis Hellboy, possède aussi ses entrées à Hollywood. Del Toro propose alors à Muschietti de développer son essai sous la forme d’un long métrage et convainc Jessica Chastain, meilleure actrice américaine du moment (Zero Dark Thirty, The Tree of Life), d’interpréter le rôle principal. Idée maligne qui a permis à Mama, du moins aux États‑Unis où le film a cartonné, de toucher un public plus large que celui des aficionados du genre.
De quoi s’agit‑il ? Sur la forme, d’une énième variation du film de spectres, un mélofantôme dont les cinéastes ibériques, après un détour par la case nippone (Ring et consorts), font depuis dix ans leur miel. Peur et pleurs donc.
Sur le fond, Mama, c’est la rencontre du mythe de l’enfant sauvage et de cette mauvaise mère chère à Freud : après cinq années de recherches, Lucas retrouve enfin dans une forêt ses deux nièces disparues, que son frère, juste avant de suicider, avait laissées au fond d’une cabane digne de celle de Evil Dead. Entre‑temps, les deux sœurs sont devenues des enfants sauvages qui rampent, dévorent des insectes et lâchent des borborygmes inquiétants, ce qui n’empêche pas Lucas, filiation oblige, et sa compagne, Annabel (Chastain), de les recueillir sous leur toit. Mais très vite, les deux fillettes invoquent une étrange entité protectrice du nom de « Mama », qui voit d’un mauvais œil l’arrivée d’une deuxième mère possible.
Passés le film de fantômes dont Muschietti respecte tous les codes (longs cheveux ébènes de la Mama, apparitions choc ponctuées de déflagrations sonores, demeure labyrinthique, personnages secondaires qui servent de fusibles au récit, final ampoulé et grotesque…) et les emprunts multiples aux récents Esther et Insidious (le Mal vient provient aussi de l’enfant : sans doute l’hypothèse terrifiante que le film aurait dû emprunter), c’est le côté puritain du récit, l’air de rien, qui frappe.
Sous ses aspects de ghost movie classique, Mama décrit en effet la conversion forcée d’une femme indépendante et rockeuse (tatouage + guitare basse = mauvais signe pour Annabel) qui a décidé de ne pas avoir d’enfant. On la voit au début du film se réjouir d’un test de grossesse négatif, mais cette joie sera de courte durée puisque, comme une punition, deux sœurs des bois vont faire irruption dans sa vie et la contraindre à : 1. Laisser tomber son groupe gothico‑rock. 2. Devenir une bonne mère. Au foyer.