Madame de...
La comtesse Louise (Danielle Darrieux) est une incorrigible matérialiste, entre ses manteaux de fourrure et ses bijoux onéreux, son cœur balance, car il faut bien qu’elle se décide à se séparer de l’un d’entre eux afin de rembourser ses dettes. Elle opte alors pour une magnifique paire de boucles d’oreille en forme de cœur, présent de son époux général (Charles Boyer), offert le lendemain de leurs noces. La perte du fameux cadeau ne tarde pas à l’enfoncer progressivement dans des aveux de plus en plus mensongers, jusqu’à sa rencontre avec le baron Donati (Vittorio De Sica), un séduisant diplomate dont elle s’éprend. Enfin, jusqu’à ce qu’elle se perde à son tour dans les torpeurs d’une passion impossible.
Adaptation éponyme d’une nouvelle de Louise de Vilmorin, et avant‑dernier long métrage de Max Ophüls (Le plaisir), Madame de… concentre autour d’une réflexion sur l’être et le paraître tous les thèmes qui ont enrichi sa filmographie. L’extraordinaire plan‑séquence inaugural emprisonne d’emblée la protagoniste dans ce qu’elle juge essentiel, voire structurel à son existence. La débandade frénétique d’accessoires a manifestement sectionné son corps dans le champ : on la devine se déplaçant, hésiter entre de luxueuses parures et des tenues d’apparat sans jamais voir son visage. Celui-ci ne se révélera que par l’intermédiaire d’un miroir à travers un bien fragile reflet, vampirisé par la toute‑puissance des artifices.
Toutefois, dans le cinéma d’Ophüls, l’authenticité d’une valse ininterrompue contribue autant à l’éclosion des sentiments qu’à la promesse d’une escale vertigineuse de l’héroïne vers l’essentiel, avant que la nature superficielle de sa condition d’aristocrate frivole ne l’emporte.