Ma nuit chez Maud
Installé depuis peu à Clermont‑Ferrand, Jean‑Louis, ingénieur et catholique, repère une jeune femme, Françoise, qui l'attire à la messe. Il la suit puis la perd. Peu après, par l'intermédiaire de Vidal, un ami d'enfance, il rencontre une autre femme, Maud, divorcée, belle et désirable.
Ce « conte moral », pure œuvre intellectuelle habitée avec conviction par un Jean‑Louis Trintignant épatant et une Françoise Fabian belle à se damner, explore lors de longs dialogues et d'extraits de sermons les accommodements moraux que l'on peut faire avec ses principes de vie.
Les acteurs réussissent l'exploit de donner chair à des personnages évoluant dans un récit qu'Éric Rohmer avait écrit ‑les bonus le révèlent‑ non seulement à la virgule, mais au soupir et à l'hésitation près. Le cinéaste, lui, se cantonne à raison aux premières prises fraîches et vives où excellent ses interprètes, un peu moins la petite équipe technique qui, parfois, opère des zooms hésitants ou laisse passer l'intrusion d'une perche dans le champ.
Ici, seule la vie et la pulsation vitale comptent, les longs dialogues philosophiques leur faisant office d'ossature. En plaçant sous le microscope Jean-Louis et ses petits arrangements avec sa raison et ses valeurs, Rohmer s'interroge : comment son personnage va‑t‑il procéder pour poursuivre le chemin qu'il s'était tracé et, sans doute ‑mais c'est à chaque spectateur de se faire une opinion‑ passer à côté de l'histoire d'amour qui aurait, au sens propre, bouleversé sa vie ?
Rohmer interroge l'incertitude amoureuse avec rigueur. Hyper‑exigeant avec lui‑même et ses interprètes, il ne laisse aucune possibilité de désinvolture à ses spectateurs et livre un film d'hiver austère. Lumineusement austère.