Lettre d'une inconnue
À la veille d’un duel, Stefan Brand, un pianiste en déclin, reçoit une lettre dépourvue de signature. La mort imminente et annoncée de son auteure exhume une multitude de souvenirs occultés par Stefan, jadis exclusivement obnubilé par sa seule personne. Il réalise, mais trop tard, le dévouement et l’amour inconditionnel que lui voua Lisa Berndle (Joan Fontaine), de son adolescence jusqu’à sa disparition foudroyante.
Adapté d’une nouvelle éponyme de Stefan Zweig et chef‑d’œuvre incontestable de la période américaine de Max Ophuls, Lettre d’une inconnue emprunte la forme épistolaire pour laisser défiler (et filer) un passé, face auquel l’auteure et son destinataire n’ont plus aucune prise. Les parcelles autobiographiques ainsi réactivées par une voix d’outre‑tombe, focalisent l’existence entière de Lisa sur ce musicien superficiel, uniquement motivé par la recherche du plaisir.
Fidèle à ses thèmes de prédilection, le cinéaste évoque les dommages de la frivolité à l’épreuve d’une temporalité révolue, et de toute façon, narrée par une défunte. Ultime détour bégayant d’un récit orienté vers la mort : Stefan, accablé, revoit les scènes de sa rencontre avec Lisa, que de notre côté nous avions déjà découvertes par le biais de la fameuse lettre scénographiée.
Au comble de la révélation mélodramatique (son domestique muet lui écrira le nom de la mystérieuse inconnue) et pétri de remords, il préférera le duel à l’absurdité creuse d’une existence qui lui a échappée.