Les yeux sans visage
Responsable de l’accident de voiture qui défigura sa fille Christiane (Edith Scob), le docteur Génessier (Pierre Brasseur) vit avec le poids de la culpabilité. Habile chirurgien, il décide de lui offrir un nouveau visage en greffant celui de jeunes filles qu’il kidnappe avec l’aide de sa fidèle assistante (Alida Valli, décédée en 2006)…
Documentariste accompli, Georges Franju surprend en 1960 avec son deuxième long métrage, un film fantastique aux atours gothiques qui bouleversera le cinéma de genre. Suivant un savant fou osant les opérations les plus folles, ici par amour pour sa fille, Les yeux sans visage marquera au fer rouge la mémoire collective et influencera bon nombre de cinéastes : John Woo avec Volte/face, Jess Franco avec L’horrible docteur Orloff et Les prédateurs de la nuit, et même George A. Romero avec Bruiser (qui reprit la figure du masque blanc que porte Christiane pour dissimuler son visage mutilé).
Via la photographie tout en ombres et lumières du chef‑opérateur Eugen Schüfftan, qui n’est pas sans rappeler l’expressionnisme allemand, Franju donnera naissance à une œuvre dont la poésie vient du macabre, et le macabre du réel. Malgré la censure interdisant notamment les effets gore, le metteur en scène parviendra à soulever le cœur des spectateurs avec une séquence montrant frontalement l’incision au scalpel du visage d’une victime. Un film révolutionnaire et audacieux pour son temps, mais qui a toutefois moins bien vieilli que d’autres films noirs de cette époque, notamment La nuit du chasseur (1955), éblouissant par sa dimension onirique et son rythme enlevé.
Le rythme, c’est bien l’élément le plus exigeant des Yeux sans visage, puisque, selon ses prédispositions, le spectateur se laissera, ou pas, envoûter par des scènes descriptives au tempo lancinant. Ce qui est sûr, c'est que Franju, cinéaste intransigeant, l'a voulu comme tel et qu'il faut l'accepter pour pénétrer pleinement ce cauchemar doté de visions inoubliables.