Les souvenirs
Romain a 23 ans. En attendant le grand amour, il accepte un job de réceptionniste dans un hôtel. Michel, son père, vit mal son départ à la retraite et délaisse sa femme Nathalie. Michel, inquiet pour la santé de sa mère Madeleine, la place plus ou moins d’autorité dans une maison de retraite, un endroit que Madeleine déteste. La vieille dame décide de fuguer. Romain va partir à sa recherche.
Mine de rien, Jean‑Paul Rouve réussit un petit exploit : évoquer le poids des souvenirs, la vieillesse, le rapport aux personnes âgées, la mort, la peur de la retraite, autrement dit des thèmes « lourds » pour ne pas dire plombants, avec une légèreté quasi miraculeuse.
Le trait ferme et juste permet au récit d’osciller avec beaucoup de grâce entre émotion et humour sans presque jamais se laisser aller à l’à‑peu‑près ni perdre le tempo. Dans son entreprise, Jean‑Paul Rouve est porté par un casting parfait : Annie Cordy campe une Madeleine délicate et grave, à cent coudées d'une Tata Yoyo braillarde ou de ces insupportables grand‑mères faussement pêchues de cinéma. Mathieu Spinosi et Michel Blanc excellent tous deux dans la partition père‑fils, et le récit offre aussi de savoureux apartés à d’excellents seconds rôles (William Lebghil, Audrey Lamy).
Dans cet orchestre mené de main de maître, tous les instruments jouent au mieux, à l’exception peut-être de Chantal Lauby qui, en raison d’un personnage plus esquissé, manque d’espace pour développer sa partition. La chose est un poil dommage, tout comme les ultimes minutes un peu guimauve, mais il faut reconnaître à Jean‑Paul Rouve une réelle pugnacité ‑le film a été tourné dans des conditions financières difficiles qui ne transparaissent jamais à l’écran‑, une créativité remarquable ‑géniale trouvaille scénaristique du pompiste philosophe‑ et surtout une maturité artistique bluffante qui laisse augurer de grandes choses dans les années à venir.