Les petits ruisseaux
Veuf et septuagénaire, Émile (Daniel Prévost) occupe ses journées avec Edmond (Philippe Nahon, parfait à contre‑emploi), sur les bords de Loire, où les deux copains aiment pêcher. Un jour, Edmond lui révèle sa vie amoureuse et sexuelle cachée, ainsi que sa passion : ses nombreuses peintures de femmes nues. Et meurt en peignant sa dernière toile. Émile, esseulé et déboussolé par la perte de son compagnon, va tenter de retrouver goût à la vie, à l’amour, à la chair.
Auteur de bandes dessinées, l’Angevin Pascal Rabaté, qui signe ici son premier long métrage, adapte avec Les petits ruisseaux sa propre BD éponyme. S’attachant à décrire les relations amoureuses et sexuelles d’un septuagénaire (formidablement incarné par un Daniel Prévost très touchant), et des séniors plus largement, l’auteur s’attaque à un sujet rare au cinéma, et le fait avec beaucoup d’humanité, sans jamais tomber dans l’émotion facile et tire‑larmes.
Il préfère au contraire livrer une petite fable naturaliste et épicurienne sur fond de douceur angevine, doublée d’un mini‑road‑movie entre l’Anjou et la Corrèze, prenant son temps pour faire vivre et évoluer ses personnages, suspendus comme en apesanteur dans la brise estivale.
De fait, le rythme n’est pas trépidant et les péripéties jamais rocambolesques, car filmées à hauteur d’homme. Mais Rabaté, à l’instar de ses collègues bédéistes Riad Sattouf (Les beaux gosses) et Joann Sfar (Gainsbourg (vie héroïque)), qui ont passé le cap du grand écran avec talent, cadre ses plans comme ses vignettes, recherche la bonne mise en scène, et la trouve souvent, sans effet tapageur mais toujours avec un sens aigu de la composition, alliant contenu et contenant, signifiant et beauté du geste.
À mille lieues de La tête en friche de Jean Becker, qui s’enlisait dans son ode à la ruralité, Les petits ruisseaux donne, au contraire, l’envie d’un retour aux sources.