Les Ogres
Pour son second long métrage, Léa Fehner (Qu’un seul tienne et les autres suivront) n'aura jamais côtoyé d'aussi près la grande famille du théâtre qu'est naturellement la sienne. Enfant de la balle, ce sont ses parents (François Fehner et Marion Bouvarel, ils ont fondé l'Agit, un théâtre ambulant) et une troupe d'artistes itinérants (très proche de l'originale) qui s'offrent à la caméra, à cor et à cri. Car même lorsque le public quitte le chapiteau, même lorsque les répliques de Tchekhov débités frénétiquement cèdent la place à un quotidien bohème et précaire, la tragicomédie repart de plus belle.
On assiste sans aucune doute à un spectacle gueulard mais entier dans lequel le chef de cette meute, vorace de vie, tient le rôle d'un funambule, toujours prêt à tirer sur la corde ou à maintenir l'équilibre tant les énergies combinées foutent le bordel et donnent la vie.
La caméra se pose sur le ventre rond de Mona (Adèle Haenel, formidable), étudie les visages lessivés en gros plans, recadre l'artiste dans sa colère ou sa solitude, puis elle se met à chanceler comme leurs états d'âme, jusqu'au tournis, jusqu'au lendemain matin où le chapiteau se replie, nous laissant repus de vertiges.