Les garçons
Rome. Scintillone (Jean‑Claude Brialy) et Ruggeretto (Laurent Terzieff), deux petites frappes, ont volé une voiture et tentent désormais de revendre son chargement, des armes. Accompagnés de deux prostituées (les splendides Elsa Martinelli et Antonella Lualdi) qu’ils ont « commandées » pour la journée, ils partent en virée afin de refourguer le butin…
Le metteur en scène Mauro Bolognini signe avec Les garçons sa première collaboration avec Pier Paolo Pasolini, ici scénariste. Les univers des deux cinéastes se mêlent harmonieusement, Bolognini livrant une œuvre sociale (thème de prédilection de Pasolini) explorant deux facettes de la marginalité italienne, les voyous et les prostituées.
La société ici dépeinte est un monde où tout peut se monnayer, où l’on peut satisfaire ses désirs primaires à n’importe quel prix. Et, par conséquent, l’argent n’en a pas. Les voyous, personnages vils et immoraux, sont prêts à tout pour arriver à leurs fins, l’amitié fraternelle ne freinant aucun de leurs bas instincts. Finalement, ce sont les femmes, émouvantes et plus sensibles qu’elles ne le paraissent, qui tirent leur épingle du jeu.
En filigrane, le réalisateur montre que les traditions (la scène de l’enterrement, puis le signe de croix que font les prostituées en regardant passer la procession funéraire), si ostensibles soient‑elles, ne parviennent pas à enrayer, ni à dissimuler, les exactions auxquelles se livrent les jeunes malfrats, et encore moins à empêcher l’évolution des mœurs, notamment l’émancipation sexuelle.
Enfin, Bolognini, connu pour son formalisme, n’oublie pas de soigner l’esthétique de son long métrage. Les acteurs sont tous admirablement photographiés, surtout ses actrices qu’il admirait, nez noble et yeux charbonneux, ainsi que le regretté Laurent Terzieff, d’une insolente beauté. L'aura sexuelle de ces jeunes gens est d'ailleurs l’une des composantes essentielles du film de Bolognini : le sexe est un thème latent, tout juste esquissé et suggéré par la sensualité des compositions.