Les flics ne dorment pas la nuit
Afin de financer ses études de droit et subvenir aux besoins de sa famille, Roy Fehler (Stacy Keach) intègre le commissariat de Los Angeles. Il fait équipe avec Andy Kilvinski (George C. Scott), un vétéran de la maison, proche de la retraite. Celui-ci apprend toutes les ficelles du métier à sa jeune recrue, laquelle succombe rapidement à l'adrénaline qu'il procure.
Polar incontournable des Seventies, Les flics ne dorment pas la nuit relate aussi bien l'odyssée noctambule d'une poignée de sentinelles en uniformes que l'émouvant passage de relais entre deux générations. À la fois mentor et vieux sage, Kilvinski (George C. Scott, magnifique, interprète un rôle taillé sur mesure) transmet pêle‑mêle des leçons d'humanisme et de self‑défense, jusqu'à l'aveu cocasse d'une loi opportuniste à son nom.
Happés par l'effervescence décadente de la Cité des Anges, les deux hommes ne se définissent qu'à travers elle, l'appel de la nuit éradiquant toute possibilité de vie conjugale stable et d'équilibre. De l'intervention comique au sein d'un ménage en crise à la pêche aux prostituées des quartiers chauds de la ville, Fleischer adjoint une forte dimension documentaire à son film.
Ainsi, ces nouveaux centurions (le titre original du polar est aussi celui du roman de Joseph Wambaugh qui l'a inspiré, un ancien flic) pénètrent l'intimité de familles dysfonctionnelles, sans qu'aucune action spectaculaire ne desserve l'âpreté réaliste de leurs missions quotidiennes. Embarqués dans leurs fourgons, on sent la sauvagerie citadine poindre à chaque tournant. Mais la ville, aussi inhospitalière soit‑elle, les rend accro à ses remous dangereux. Elle leur garantit une sorte de foyer chaotique d'adoption, en marge de la routine familiale, à tel point qu'ils sont incapables d'en sortir. La séquence poignante dans laquelle Kilvinski fixe lui‑même le crépuscule de sa vie révèle la puissance à la fois structurante et destructrice d'une fonction vitale, plus qu'un métier, enracinée dans le bitume.