Les fantômes d'Ismaël
Cinéaste dépressif, Ismaël Vuillard (Mathieu Almaric) passe ses nuits à tenter de boucler son scénario. En couple depuis peu avec Sylvia (Charlotte Gainsbourg), une astrophysicienne prévenante et introvertie, il voit sa vie basculer avec l’arrivée inopportune de sa femme Carlotta (Marion Cotillard), déclarée morte vingt ans auparavant.
Le drame hybride d’Arnaud Desplechin (Un conte de Noël) s’appréhende en plusieurs temps. D’abord avec une certaine confusion et légèreté lorsqu’une clique d’hommes politiques, dressant le portrait extravagant d’un dénommé Dedalus (Louis Garrel), échappe au cheminement mental de son créateur. Une fois de retour dans l’appartement enfumé d’Ismaël, la réalité empiète sur le processus de création (encore que) et réactive temporairement les vestiges du passé. Les photos de Carlotta enfant, exhumées par son père (Laszlo Szabo) lors d’une nuit de gros chagrin, la figent dans un quotidien aguerri à son absence, sa réapparition remettra évidemment en question le travail de deuil accompli ou la solidité d’une nouvelle histoire.
Sylvia, la nouvelle femme, parle de rivaliser avec une morte, ce constat mesure l’absurdité de la situation. Une tonalité décalée programmée pour faire resurgir les fantômes d’une ancienne vie, de l’Histoire (avec l’évocation de la Shoah) et du cinéma (les allusions flagrantes à Vertigo de Hitchcock ou à la propre filmographie du cinéaste) au cœur d’un récit stratifié, et ce au risque de s’égarer dans des projections hermétiques, et systématiquement autobiographiques chez Desplechin. Un film difficile édité ici dans sa version longue.