Les désemparés
Épouse d’un mari la plupart du temps absent, Lucia Harper (Joan Bennett) veille à l’ordre et la sérénité de son foyer. Elle habite une très belle villa de Balboa, entourée de ses enfants et de son père, un homme paisible d’un certain âge. Son aînée Bea (Geraldine Brooks), bientôt âgée de 18 ans, lui donne du fil à retordre en fréquentant un homme peu recommandable, fervent adepte de tripots et de déviances nocturnes. Lucia tente pourtant de persuader sa fille de mettre un terme à cette relation, mais la jeune fille, folle amoureuse, n’en fait qu’à sa tête.
Un soir, tandis que Bea part retrouver son amant dans une cabane au bord de la plage, une dispute éclate et ce dernier meurt accidentellement. Le lendemain, la mère de famille retrouve son corps et va tout mettre en œuvre pour protéger sa fille. Mais un maître chanteur ne tarde pas à bouleverser ses plans.
Film qui marque la fin de la période américaine de Max Ophüls, avant son retour en Europe, Les désemparés déploie toutes les caractéristiques du film noir : un cadavre à dissimuler (source de torture morale et de chantage) sur fond de bichromie esthétique, soit le noir et le blanc comme expression d’une balance éthique sur laquelle la mère de famille, autrefois irréprochable, se met à osciller. Puis, en choisissant un cadre plus domestique, Ophüls teinte son récit d’un malaise sourd : sommes‑nous encore rivés à la spirale fatidique d’un film noir ou s’agit‑il du drame d’une mère protectrice, seule face à l’adversité masculine ?