Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne
On se souvient peut‑être de Pôle Express, ce conte de Noël réalisé par Robert Zemeckis, qui utilisait déjà le procédé aujourd’hui tant vanté du « performance capture » (le jeu d’un acteur en chair et os est modélisé puis transposé numériquement). On se souvient surtout des yeux vitreux de ces acteurs pixelisés, sortes de cadavres animés qui, à l’époque, avaient dû effrayer bon nombre de gamins. Certes, depuis 2003, le procédé s’est affiné (merci Avatar) et le Tintin de Spielberg se situe à mi‑chemin du pixel et de la réalité, mais c’est précisément cet entre‑deux qui pose problème.
Trop réaliste pour être poétique (cf. les productions Pixar, le robot de Wall‑E, le vieillard acariâtre de Là‑haut), trop artificiel pour provoquer l’empathie, et donc accrocher le regard, ce Tintin californien renchérit, mais à son corps défendant, sur cette déshumanisation qui hante les récents films de Spielberg, de A.I à La guerre des mondes.
Au milieu du film, Tintin, coincé avec Haddock et Milou en plein milieu de l’océan sur une épave de canot, plonge dans l’eau et se dirige vers un hydravion menaçant. Spielberg utilise alors la fameuse houppette du héros de Hergé comme l’aileron d’un requin qui évoque bien sûr les Dents de la mer. Tout le Tintin de Spielberg se résume à ce détournement capillaire, à l’absorption progressive d’un univers (la ligne fine de Hergé, les actions en sourdine qui rythment les albums, longues phases contemplatives et d’inquiétude diffuse : L’île noire ou Les 7 boules de cristal) par un autre (le syndrome du serial, du grand 8 et d’Indiana Jones).
Résultat, ce Tintin‑là pétarade, multiplie les séquences de bravoure (combats de grues, poursuites homériques, bande‑son tonitruante là où l’univers de Hergé est plutôt feutré), mais ne provoque que fatigue et ennui. Dans les BD en deux dimensions, Tintin possédait une forme de profondeur, de densité, de mystère (Chang ?). Ici, il a beau avoir pris du volume, de la 3D, il est plat comme un autocollant et creux comme une bouteille de whisky vide.
Sinon, le scénario compile plusieurs aventures de Tintin, du Trésor de Rakham le Rouge au Secret de La Licorne, le tout remis à la sauce Indiana Jones. Après l'achat d'une maquette contenant un secret qu'il n'imagine pas, Tintin part sur les traces de Sakharine et d'un pirate nommé Rakham le Rouge…