Les algues vertes
En 2015, la journaliste Inès Léraud décide de s'installer en Bretagne pour enquêter de manière plus approfondie sur le phénomène des marées vertes après plusieurs morts suspectes. Elle rencontre de nombreuses personnes et réalise l'ampleur de la fabrique du silence qui entoure ce désastre écologique.
En vert et contre tous
En adaptant avec Pierre Jolivet sa propre bande dessinée Les algues vertes, l'histoire interdite (coécrite avec Pierre Van Hove qui participe également au scénario du film), la journaliste Inès Léraud prolonge son travail de dénonciation d’un scandale à la fois écologique et social. En traitant le sujet comme une véritable enquête et non juste comme un brûlot anti‑industrie agroalimentaire, le réalisateur et la journaliste livrent une œuvre captivante et percutante, parfois malheureusement un peu molle et à la limite de l’angiographie. Inès Léraud n’est pas Erin Brockovich, mais comme elle, elle est seule contre tous pour alerter sur les marées vertes provoquées par l’épandage de lisier par les exploitations porcines et bovines. Des marées vertes à l’odeur putride qui empoisonnent littéralement, depuis près de quarante ans le littoral breton. Une région qui compte plus de cochons que d’habitants !
Dans le rôle de la journaliste déterminée, Céline Sallette est impeccable, au diapason d’ailleurs avec l’actrice qui joue sa « trèèèèèèèès » conciliante compagne, Nina Meurisse. On regrettera néanmoins que le personnage soit si lisse et exempte de défauts. Si l’histoire racontée par le film est bien réelle, son héroïne, elle, semble trop parfaite pour l’être également. Ce « Ines Léraud show » permanent nuit un peu au film qui, par ailleurs, fait froid dans le dos tant l'État, les élus locaux et l'agro‑industrie sont complices d’un scandale qui perdure. La démonstration du film est impeccable et implacable. La FNSEA en prend pour son grade dans une géniale scène, mais le film a le mérite de ne pas céder à la facilité de mettre dos à dos écolos et agriculteurs pour poser la question de la responsabilité collective. Didactique et passionnant, il revient même aux origines de ce scandale : l’après‑guerre (voir à ce sujet le très bon Solutions locales pour un désordre global de Coline Serreau).
Rallumer la Breizh
Malheureusement, en termes de réalisation, on a tout même connu Pierre Jolivet un peu plus inspiré (Ma petite entreprise, Simple mortel…). Néanmoins, Les algues vertes reste un film qui à chaque plan donne envie d’air marin délicatement iodé. Il respire la Bretagne et les paysages sont magnifiques. Un film qui amène à réfléchir, d’autant plus que de nombreux moments furent volés, caméra à l’épaule. La production a en effet dû faire face à de nombreuses interdictions de tournage afin d’empêcher son bon déroulement. Il en résulte une sorte d’urgence, une énergie du désespoir en résonance permanente avec celle de son héroïne. Un souffle particulier, empli d’engagement et de détermination.
En filigrane, Les algues vertes est surtout un portrait touchant d’une femme forte et de son combat essentiel. Un film engagé qui raconte l’abnégation quotidienne de ces lanceurs d’alertes si essentiels.