par Jean-Baptiste Thoret
17 juin 2016 - 17h39

Legend

année
2015
Réalisateur
InterprètesTom Hardy, Paul Anderson, Christopher Eccleston, Joshua Hill, Emily Browning, Colin Morgan
éditeur
genre
notes
critique
7
10
A

Ils furent dans les années 1960 l’équivalent tardif d’Al Capone aux États‑Unis, frères jumeaux et gangsters qui ont terrorisé le Swinging London en s’imposant comme l’un des clans mafieux les plus meurtriers de l’époque. Installés dans les quartiers pauvres et mal famés de la ville, les frères Kray ont prospéré à vitesse grand V mais l’ennemi qui aura raison d’eux, c’est l’autre, autrement dit le même.

« Quoi qu’il fasse, c’est ton frère », rappelle Violet Kray à son fils Reggie, qui se sait victime d’une malédiction, son propre frère, dont il ne pourra jamais se déprendre. Les Kray ne sont pas les Corleone. « Je m’évalue à la mesure de la loyauté que j’ai envers mon frère », avouera‑t‑il à sa femme Frances (touchante Emily Browning), incapable de couper le cordon létal qui le relie à son autre moitié.

Car les Kray, ce sont deux visages ressemblants, mais surtout deux tempéraments radicalement opposés : d’un côté Reggie, beau gosse aux cheveux gominés, gangster rugueux mais capable, pour le besoin de ses affaires, de mimer les codes de la société bourgeoise sans laquelle il ne pourra prospérer. De l’autre, c’est Ron, le sale gosse, le véritable catalyseur du récit, son moteur à explosion. Cet homosexuel paranoïaque à tendance schizophrène fait régulièrement dévier le film de ses rails un peu trop rutilants pour des séquences de carnage réjouissantes, entre le Grand‑Guignol et le film d’exploitation à la Corman (The St Valentine Day Massacre), qu’il s’agisse d’un règlement de comptes au marteau entre deux clans adverses, ou d’une bagarre fraternelle où chacun tente de ne pas trop abîmer l’autre.

Scénariste prolifique et efficace (Green Zone, Man on Fire, L.A Confidential), Brian Helgeland n’a jusque‑là signé que des films honorables (Payback, Le purificateur), propres mais manquant singulièrement d’âme. Avec Legend, le voici aux commandes d’une fresque classieuse, presque intégralement filmée en studio, qui retrace plutôt sagement les années de gloire de ces deux frères, leur ascension dans le quartier de East End et leur chute programmée. Helgeland s’en remet intégralement à son acteur Tom Hardy, excellent, qui incarne avec gourmandise Reggie et surtout Ron. Soit le risque de la gémellité au cinéma : cliver un film en deux parties qui se regardent, cohabitent, sans jamais vraiment converser. On se souvient de l’expérience vertigineuse qu’avait été le Faux semblants de Cronenberg en 1989, et la façon dont le monde de l’un finissait par contaminer celui de l’autre. Performance technique bien sûr (faire apparaître deux fois le même personnage dans le même cadre), mais aussi d’acteur, en l’occurrence Jeremy Irons.

Aujourd’hui, l’effet spécial, pourtant remarquable, ne fait plus événement. Tant mieux au fond. Mais cela rend d’autant saillante l’incapacité de Helgeland à trouver un équilibre entre le film de prestige (Reggie) et son refoulé cradingue (Ron). Il manque sans doute à Legend une troisième partie, un dernier acte à la Scorsese (la fin de Casino ou Les affranchis que le film cite littéralement à l’occasion d’une séquence de club), où l’hubris précipiterait tout le film vers son fond ténébreux.

Car Reggie voudrait se débarrasser de son frère, mais il ne peut pas. Un soir, il déverse ainsi sa rage sur un sbire du gang et, sous le regard horrifié de convives, larde de coups de couteau celui qui l’enverra en prison pour les trente ans à venir. Ce moment limite de la confrontation réelle entre les deux frères, l’un constituant la tragédie de l’autre, le film ne cesse de l’annoncer et le spectateur de le désirer. Mais il ne viendra pas, comme si la schizophrénie de Ron avait fini par figer l’ensemble.

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blu-ray
cover
- de 12 ans
Prix : 24,99 €
disponibilité
24/05/2016
image
BD-50, 131', zone B
2.35
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Français Dolby Atmos 7.1
Français Dolby TrueHD 7.1
Français Audiovision
Anglais Dolby Atmos 7.1
Anglais Dolby TrueHD 7.1
sous-titres
Français, français pour malentendants
10
10
image
Malgré les effets spéciaux, les fonds verts et les tours de passe‑passe, cette image très classe en jette dès les premières secondes. Textures, détails microscopiques, usage limité des couleurs, décors, stylisme, tout concourt à faire de ce film une très belle démo HD. Et il fallait bien le Blu-Ray pour en restituer toute la quintessence. À tel point que certaines astuces visuelles sautent vraiment aux yeux… La rançon de la gloire.
10
10
son
Pour le dynamisme, le naturel, la circulation dans la pièce, les passages jazzy toniques, les informations sonores à l'arrière, des basses vibrantes et un surcroît de vie de chaque instant, la VO Dolby Atmos 7.1 s'impose. Et les occasions d'en profiter sont nombreuses. La VF ne présente pas de défauts majeurs, mais fait clairement un peu moins bien dans tous les compartiments de jeu. L'ensemble paraît aussi plus plaqué à l'action, alors que la VO ouvre l'image. C'est subtil mais ça change pas mal de choses au final.
5
10
bonus
- Six courtes interviews (8')
- La légende des frères Kray (13')
La comédien Tom Hardy ne fait pas partie intervenants face caméra. Chaque sujet ne dépassant pas 2 minutes, on s'en remettra. L'autre bonus plus conséquent revient sur l'époque et surtout la mythologie des Kray via différents témoignages de leurs contemporains. Intéressant.
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