Le secret derrière la porte
« Moi, je préfère M. », avoue Fritz Lang à Brigitte Bardot et Michel Piccoli qui, dans Le mépris de Godard, disent tout le bien qu’ils pensent de L’ange des maudits, ce western que le réalisateur de Metropolis a signé à Hollywood en 1951.
M. c’est bien sûr M. le Maudit, premier film parlant de Fritz Lang et immense succès commercial, décrivant, à Berlin en 1933, la traque d’un criminel pédophile interprété par Peter Lorre, mais aussi un pays, l’Allemagne, en voie de décomposition. La même année, Goebels proposait à Fritz Lang, figure majeure du cinéma muet allemand ‑on lui doit déjà Le docteur Mabuse, Les espions, La femme sur la Lune et Les trois lumières‑ de devenir le cinéaste officiel du pays. Lang refuse, fuit en France où il réalise Liliom, puis s’exile aux États‑Unis où il est engagé par la MGM.
Débute alors la période dite « américaine » de Fritz Lang : Fury, Les pionniers de la Western Union, Espions sur la Tamise, Règlements de comptes, Les contrebandiers de Monfleet, et ce Secret derrière la porte qu’il réalise en 1948.
Variation autour du conte de Barbe Bleue, Le secret derrière la porte s’inscrit pleinement dans cette vague de films des années 1940 intéressés par la psychanalyse que Hollywood vient de découvrir (souvenez‑vous de Rebecca ou de La maison du Dr Edwards de Hitchcock). C’est l’histoire d’une jeune américaine insouciante, Celia, interprétée par Joan Bennett, qui en voyage au Mexique, tombe sous le charme d’un architecte, Mark Lamphere (Michael Redgrave). Très vite, les deux tourtereaux se marient et voici Celia emménageant dans la demeure gothique de son mari. Là, elle découvre l’autre facette de sa personnalité, celle d’un homme fétichiste qui recompose les chambres où des meurtres célèbres ont été commis. Et puis, il y a la septième, qui semble contenir un secret qui est aussi celui du film.
Merveille de film intime et de film noir, cet objet envoûtant, riche en symboles et en détails à décrypter, Le secret derrière la porte est enfin un film plus retors qu’il n’y paraît puisqu’il interroge moins le meurtre que son désir. Un classique à redécouvrir.