par Nicolas Bellet
20 août 2024 - 11h03

Le Samouraï

année
2024
Réalisateur
InterprètesAlain Delon, François Périer, Nathalie Delon, Cathy Rosier
éditeur
genre
sortie
03/07/2024
notes
critique
10
10
label
A

Le tueur à gages Jef Costello est méthodique et solitaire, toujours minutieux et calme dans l’exécution de son travail. Un jour, Valérie, pianiste de club de jazz, est témoin d’un de ses meurtres.

 

Delon en large

Réalisé en 1967 par un Jean‑Pierre Melville en pleine maîtrise de son art, Le Samouraï est totalement au service de son acteur principal : Alain Delon. À la fois sauvage, impassible et en même temps empli d’une fragilité larvée que l’on sent à fleur de peau, l’acteur, dans une économie de mots et de gestes, arrive à incarner à lui seul la quintessence de la fragilité masculine sous le vernis de la virilité la plus animale.

 

C’est l’un de ses rôles les plus iconiques (avec Le Guépard, La piscine et Mr. Klein) et ce n’est pas un hasard. Tout est pensé dans le moindre détail. La vraisemblance n’est pas le but recherché ni par l’acteur, ni par son réalisateur. Tous deux sont dans l’épure et le signifiant. Tout est stylisé et radical. Le film en devient totalement intemporel, par certains aspects. Même si par d’autres, il reste malheureusement diablement daté, voire parfois risible (le passage « 007 » ne fonctionne plus vraiment). C’est ce qui fait son charme aussi, sans doute.

 

Mais une chose perdure près de 60 ans après sa sortie : l’harmonie entre Delon et Melville, palpable dans chaque scène. Chaque geste de l’un, chaque cadre de l’autre sont mûrement pensés et se répondent presque. Chaque parole prononcée par Delon, chaque mouvement de caméra vont dans un même sens : casser l’armure de celui que l’on appelle Le Samouraï/Delon pour in fine le rendre humain.

 

Melville de lumière

Pour son premier film couleur, on ne peut pas dire que le réalisateur fasse exploser les rétines des spectateurs. Au contraire, son Samouraï est tout en nuance de gris et de bleu foncé, et bien sûr, c’est à dessein. Tel un peintre ou un musicien, Jean‑Pierre Melville suggère, via une maîtrise totale de sa caméra, en quelques traits seulement, quel homme se cache derrière le trench‑coat et le Fédora, devenus si iconiques depuis.

 

Il joue avec le spectateur en inventant de toutes pièces la citation d’entrée de film qu’il attribue au livre du Bushido et qui sied à merveille à son acteur, éternel ex‑Guépard : « Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï, si ce n'est celle du tigre dans la jungle, peut‑être… ». Il joue avec la stature de Delon en lui offrant un rôle quasi mutique et statique à l’opposé de ses compositions précédentes. Et même avec l’image de Delon lui‑même, en lui offrant pour partenaire sa propre femme (Nathalie) à qui, perfidement sans doute, il confie le rôle de son alibi. Le réalisateur sait ce qu'il filme et ceux qu'il filme : un polar à l'ironie mordante pour qui sait lire entre les lignes.

  

Près de 60 ans après sa sortie, ce Samouraï se redécouvre sans cesse. On est frappé, encore aujourd’hui et en cette semaine noire pour le cinéma français, par sa modernité filmique. Cet assassinat filmé quasi en temps réel ou la scène de la pose du mouchard également étirée dans le temps pourraient avoir été filmés hier. Deux moments qui se répondent symboliquement d’ailleurs, mettant dos à dos les méthodes de la pègre et celles de la police.

 

Rares sont les films qui auront eu autant d’influence sur la vision sublimée du gangster au cinéma (John Woo, Tarantino…), rien que pour cela, il est incontournable.

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test
4k
cover
Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
03/07/2024
image
1.85
UHD 2160p (AVC)
HDR Dolby Vison
HDR10
16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 2.0
Français audiodescription
sous-titres
Français pour sourds et malentendants, anglais
9
10
image

Cette nouvelle restauration 4K montre dès le premier plan fixe sur la chambre d'hôtel toute l'étendue de son talent. Les noirs sont débouchés, on devine enfin la pluie ruisseler sur les deux fenêtres, l'effet monochrome est d'emblée puissant. Et pourtant, le film n'est pas en noir et blanc. Le HDR Dolby Vision dévoile peu à peu quelques touches de couleurs et surtout une brillance et un relief inédits. Plus contrasté, plus lumineux, le film fait une sans‑faute, sans faute de goût. Les décors et l'atmosphère n'ont jamais été aussi impressionnants. Un grand bravo aux équipes de restauration.

8
10
son

Film de silence et de jeu sur la temporalité, Le Samouraï prend littéralement son envol sur la musique de François de Roubaix. Dès les premières notes, on est transporté dans un autre monde, celui de Jef Costello, dans ses déplacements furtifs dans Paris, sa psyché. Une ambiance, un voyage, une modernité. Un film intemporel parfaitement retranscrit par cette piste DTS‑HD Master Audio 2.0. Du mono doublé mais de très haute qualité après restauration.

10
10
bonus
- La restauration du Samouraï (12')
- Jean-Pierre Melville, mon ami : entretien avec Philippe Labro (34')
- Jean-Pierre Melville, l’influenceur : entretien avec Philippe Rouyer (35')
- Jean-Pierre Melville et la musique de film (22')
- Le Samouraï revu par Taylor Hackford (19')

Passionnant bonus que le module consacré à la restauration du film. La responsable de chez Pathé Restauration explique pas à pas le processus qui a permis aux 11 bobines de négatifs originaux d'arriver à ce nouveau scan 4K. 10 mois de travail (20 minutes de bobine = 1,5 journée de scan 4K), 30 personnes impliquées, 3 mois de « palette » (les retouches numériques pour effacer les défauts de pellicule), 2 à 3 semaines d'étalonnage avec un travail ciselé sur le HDR (ne pas trop faire « clinquer » une image tout en lui donnant un relief inédit tout en respectant les intentions du cinéaste). Photos, témoignages, premières copies, toutes les archives disponibles sont utilisées.

 

Le reste des bonus est tout aussi passionnant, que ce soit les témoignages de Philippe Labro ou celui du réalisateur Taylor Hackford (L'associé du DiableRay), grand fan de Melville depuis Le Doulos. Labro se souvient de la première impression que lui a laissé le film, sa modernité, reconnaissant immédiatement un « maître » du cinéma. Il souligne à quel point Melville voyait en Delon son contraire, tout ce qu'il aurait sans doute aimé être physiquement.

 

Le reste des suppléments est du même acabit, à voir absolument. Une édition en or pour les cinéphiles.

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