Le refuge
Dans un grand et luxueux appartement parisien, un couple de junkies, Mousse et Louis (Isabelle Carré et Melvil Poupaud), s’abîme par injections d’héroïne, brûle la vie par les deux bouts. Lui succombera rapidement à l’overdose, elle survivra, avec pour unique souvenir de son amour passé l’embryon de leur enfant. Répudiée par la famille du défunt, Mousse décide de ne pas interrompre la grossesse et part se réfugier dans la maison d’un ami au Pays Basque. Un havre de paix près de la plage, des rouleaux de l’Atlantique qui recyclent tout. Quelque temps plus tard, Paul, le frère gay de son ancien amant (le chanteur Louis‑Ronan Choisy), la rejoint dans son refuge. Pour l’aider, pour vivre l’enfantement par procuration, peut‑être aussi. À son contact, Mousse l’écorchée vive va s’adoucir.
François Ozon a des obsessions d’auteur : la mort, l’homosexualité, la maternité, le deuil de l’être aimé, la mer. Avec Le temps qui reste, dans lequel Melvil Poupaud incarnait un photographe homosexuel condamné par la maladie, il signait l’un de ses meilleurs films, parlant avec retenue de la solitude de l’homme face au grand saut. Dans l’ovni Ricky, où il était question d’un bébé extraordinaire et d’une mère immodérée, Ozon osait déployer toute sa singularité formelle et son ludisme, rares dans un cinéma français plutôt conformiste. Mais avec Le refuge (Prix spécial du jury au Festival de San Sebastian 2009), le cinéaste, qui retrouve pour l’occasion Melvil Poupaud et dirige une Isabelle Carré réellement enceinte durant le tournage, se repose trop sur ses thèmes de prédilection, péchant cette fois‑ci par excès de fascination.
Motivé par l’envie de filmer la maternité, le réalisateur comble les lacunes de son scénario et le manque d’écriture de ses personnages par une symbolique un peu grossière (la tristesse d’un hiver parisien, gris et maussade : la mort ; la mer et le soleil : le renouveau), et parsème son long métrage de rencontres inquiétantes soulignant son obsession pour la maternité : cette femme sur la plage s’accrochant au ventre d’Isabelle Carré et déclamant à tue‑tête qu’il faut procréer dans la douleur et tout sacrifier pour ses enfants, ou encore cet homme avouant autour d’une bière son fantasme pour les ventres ronds. Mais le plus important, c’est à‑dire la relation entre Mousse et le frère de son ex, manque cruellement de profondeur et de sens.
Le refuge au cœur d’une nature salvatrice baignée d’un soleil constant ne suffit pas pour donner corps à ce duo en pleine quête existentielle.