Le problème à 3 corps
En lieu et place d’une nouvelle trilogie Star Wars initialement engagée avec Disney, David Benioff et D.B. Weiss, les créateurs de Game of Thrones, ont préféré écouter le chant des sirènes sonnantes et trébuchantes de Netflix pour se pencher sur l’adaptation en série du roman éponyme de l’écrivain chinois Liu Cixin paru en 2014. Une trilogie de SF contemporaine complexe et ultra‑rigoureuse d’un point vue scientifique, réputée pour ses concepts autour de la création de l’univers.
À 20 millions de dollars l’épisode (il y en a huit), on ne peut pas dire que Netflix n’a pas mis les moyens pour donner à David Benioff et D.B. Weiss, accompagnés par Alexander Woo au scénario, ainsi que Brad Pitt et Rosamund Pike à la production exécutive, les moyens de leurs ambitions. Dès le titre, formidablement difficile à retenir en français (il fait référence à un problème de mécanique orbitale, à savoir le problème à N corps, N correspondant à un chiffre à déterminer), on aurait dû se méfier.
N’est pas Christopher Nolan qui veut
Non pas que les auteurs de Games of Thrones soient des manches (les débuts sont même plutôt plaisants à suivre et intrigants), mais n’est pas Christopher Nolan qui veut et la sensation que les auteurs ne maîtrisent pas complètement le sujet se fait de plus en plus sentir. Toute la structure et la densité émotionnelle des (nombreux) personnages sont sacrifiées sur l’autel du sensationnel et de l'esbroufe, au point de nous rendre totalement indiffèrent à leur sort et de perdre en route une partie du casting, pourtant solide (Jess Hong, Eiza González, Benedict Wong, Liam Cunningham, Jonathan Pryce).
Il faut aller vite, faire beau, tenter de coller à l’univers gargantuesque de Liu Cixin, et tant pis pour les explications et le fond. Quand Nolan s’attaque à un récit scientifique quel qu’il soit, il n’oublie jamais d’y insuffler une dimension humaine qui questionne et interpelle avant de tenter de nous impressionner. Le problème à 3 corps ne fait ni l’un ni l’autre. Avant de dépenser de l'argent, il faut penser à son histoire. Le récit monstre accouche d’une petite souris un peu creuse et mollassonne à 160 millions de dollars quand même.