Le plaisir
Après un passage des plus enrichissants aux États‑Unis, Max Ophüls prolonge sa carrière en France et signe des œuvres aussi remarquables les unes que les autres. Parmi elles, Lola Montès, Madame de…, La ronde et Le plaisir que nous avons la chance de (re)découvrir dans sa version restaurée.
Adapté de nouvelles de Guy de Maupassant, le triptyque du cinéaste, inégal dans la durée mais jamais en termes qualitatif, se partage les thèmes phares de sa filmographie. Le sentiment d’un temps juvénile à jamais révolu gagne alors un vieillard nostalgique dans Le masque. Ainsi, toutes les nuits, il se rend au bal, déguisé en jeune homme, dans l’espoir de goûter à nouveau la griserie de ses années révolues.
La maison Tellier, segment central (et plus long) du triptyque, aborde le plaisir des villes et des champs dans une festive et légère cacophonie initiée par des filles de joie. Danielle Darrieux et Jean Gabin révèlent, le temps d’une escapade rurale pour assister à une communion, la nature subtile et ambivalente des convictions humaines. Des filles issues d’un bordel peuvent ainsi elles aussi être touchées par l’étincelle divine et s’effondrer en larmes, comme frappées d’une mélancolie contagieuse.
Enfin, Le modèle entretient bien des similitudes avec la première adaptation : des amants s’aiment puis se séparent, les affres du temps ont eu raison de leurs sentiments et les auront projetés dans la ronde cruelle d’une histoire pourtant vieille comme le monde.
« Le bonheur n’est pas gai », nous confie le cinéaste. Une fois les drames et les fêtes de tout un chacun montés dans une mascarade formelle fluide et entêtante, ils viennent s’achever sur une plage hivernale. Un chef‑d’œuvre.