Le père de mes enfants
Attention, ce qui suit dévoile des moments‑clés de l’intrigue.
Grégoire Canvel (excellent Louis-Do de Lencquesaing) est producteur de cinéma. Non, pas l’un de ces m’as-tu-vu sans scrupules pensant au potentiel commercial de leurs projets avant tout. Grégoire est un indépendant, et exerce ce métier pour révéler des talents et par amour du cinéma bien fait. Protecteur et paternaliste, il couve ses artistes, ses poulains, avec bienveillance. Le cinéma, ses employés, ses équipes technique et artistique sont sa deuxième famille. Car Grégoire a une véritable famille : une femme séduisante et aimante (Chiara Caselli) et trois adorables filles (dont Alice de Lencquesaing, sa fille à l’écran comme à la ville). Hyperactif et monopolisé par son travail, il consacre aux femmes de sa vie ses week-ends à la campagne.
Il semble sûr de lui, invincible, confiant en son destin. A tout pour être heureux. Mais sa société bat de l’aile. Trop d’emprunts, trop d’argent dépensé, trop de dépassements de budget. Et d’un seul coup, le charismatique Grégoire, hybride de BHL et André Manoukian, perd pied. Sombre dans le désespoir, inéluctable. Et choisit le suicide comme porte de sortie. Sa famille doit assurer la relève, dans la douleur. Et réapprendre à vivre.
Second long métrage de Mia Hansen-Løve (comédienne et ancienne critique pour les Cahiers du cinéma), Le père de mes enfants (sélectionné dans la catégorie Un certain regard au Festival de Cannes 2009) s’inspire de l’histoire tragique du producteur Humbert Balsan, qui s’est pendu dans les locaux de sa société en 2005. Ici, le producteur est le héros de cette histoire : courageux, il se bat pour ses idéaux, pour imposer sa conception de l’art. Mais après une quarantaine de minutes, le suicide du personnage principal impose alors une rupture de ton et de point de vue, l’épouse et l’adolescente étant alors au cœur du récit.
Le film est donc divisé en deux parties, chacune traitant d’un thème différent : la première aborde les difficultés d’un homme à exercer son métier passionnément ; la seconde moitié parle de filiation et du courage nécessaire pour se relever d’un deuil. Mais cet assemblage de deux segments aux thématiques bien distinctes, comme deux moyens métrages mis bout à bout, affaiblit le discours de la réalisatrice et le rythme du film.
Accueilli chaleureusement par la critique, Le père de mes enfants vaut plus pour le jeu de ses comédiens, et surtout, pour les scènes avec les fillettes, qui absorbent la douleur et épongent comme elles peuvent les larmes, pleines de ressources et d’optimisme.