Le Nouveau Monde
1607. Trois navires anglais en quête de trésors qu’ils pensent trouver dans les territoires encore inexplorés de l’Amérique, accostent en Virginie et fondent Jamestown, la première communauté de Colons installée dans le Nouveau Monde. Sans le savoir, le capitaine Newport et ses hommes débarquent au cœur d'un empire indien très sophistiqué dirigé par le puissant chef Powhatan. John Smith (Colin Farrell) est chargé de nouer le premier contact avec la tribu, et tombe sous le charme de la jeune Pocahontas.
Sur fond de guerre (les Anglais ne connaissent alors que la loi du canon) et de plongées contemplatives dans cet Eden terrestre (le panthéisme de Malick trouve enfin un milieu à sa hauteur, puisque l’Amérique est alors une nature, un fantasme et une histoire qui commence), Le Nouveau Monde raconte à la fois une idylle amoureuse qui s’achèvera dans les jardins en damiers de Londres, et le cauchemar d’une poignée de Colons qui, reclus dans les franges du continent, ne devront leur salut qu’à une jeune Indienne.
Si Terrence Malick filme la confrontation entre la civilisation et un peuple proche de la nature avec une épure, un lyrisme et un classicisme fascinants, il retrace en filigrane rien moins que les débuts de l’Amérique. Dès la séquence d’ouverture (prodigieuse), Malick retourne le mythe comme un gant. L’arrivée des navires est filmée depuis la côte, non pas du point de vue des Colons, mais de celui des Indiens. Dès lors, le film prend l’histoire de l’Amérique à rebours, jette aux orties le récit de la conquête (la mythologie de la Frontière n’existe pas encore) et se cale sur la trajectoire de la jeune Indienne (Q'Orianka Kilcher), dont chacune des apparitions est une séance d’envoûtement. Des forêts chatoyantes de Virginie au monde corseté de l’Angleterre, la jeune femme finit par vivre le rêve alors avorté des Colons. Quant à Colin Farrell et Christian Bale, ils livrent ici une de leurs meilleures prestations.
Le Nouveau Monde que décrit le film de Malick n’est pas la Terre Promise tant glorifiée par le western, ni celle d’un espace dont l’Ancien Monde se serait proclamé le maître, mais la Vieille Europe dans laquelle l’Indienne débarque et, contre toute attente, trouve ses marques. La dernière demi‑heure du film, où après avoir été reçue à la Cour d’Angleterre, la jeune femme ressent dans les jardins londoniens la magie de son Ancien Monde, atteint des sommets d’intelligence et de poésie. C’est évidemment le second tour de force du film qui, à la sempiternelle vision de l’Indigène déporté hors de son monde et transformé ailleurs en bête de foire, oppose une lecture inédite et courageuse. Le Nouveau Monde n’est pas là où on le croyait…
Quatrième film de Terrence Malick en trente‑deux ans, Le Nouveau Monde est aussi son chef‑d’œuvre. Un monument d’intelligence (et d’exigence) qui navigue à cent coudées au‑dessus de la production contemporaine et possède une puissance souveraine dont on ne trouve aujourd’hui guère d’équivalent que dans le cinéma de Michael Mann (Miami Vice).
Cette version longue n’a pas seulement été rallongée de 37 minutes de scènes inédites, mais a aussi bénéficié d’un remontage sévère. Si l’histoire ne change pas, elle semble moins dense, mais offre une meilleure respiration au récit et une plus grande amplitude au film lui‑même. Le rythme est aussi plus lent, la dimension poétique accrue. Une nouvelle version spectaculaire qui renvoie aux similitudes incroyables qu’il peut y avoir entre le film de Malick et celui de James Cameron. Avatar ne s’inspire pas seulement de la même histoire, il est quasiment son remake.