Le monde, la chair et le Diable
Voici l’une des raretés de cette fin d'année (uniquement disponible à la Fnac).
Réalisé par Ranald McDougall en 1959, au même moment que Le dernier rivage de Stanley Kramer qui, exploitant un sujet similaire, lui fit de l’ombre, Le monde, la chair et le Diable débute dans une mine de New York, aux côtés de Ralph Burton (Harry Belafonte).
Un éboulement, et le voilà coincé sous terre, dans l’attente des secours. Mais après plusieurs jours de silence, Ralph parvient à remonter à la surface et découvre une ville muette et désertée, un paysage d’apocalypse. Commence alors le temps de la survie et de la recherche d’éventuels survivants.
Voici sans doute l’une des matrices de tous ces films post‑apocalyptiques (de Je suis une légende au Survivant) qui ont fleuri dans le cinéma américain à partir de la fin des années 1960. Ici, pas de bestioles conquérantes venues de Mars ou d’ailleurs. Pas de Mabuse belliqueux voulant décimer l’humanité. Mais une catastrophe qui a déjà eu lieu (la photographie en noir et blanc est magnifique et rarement les visions de NY vidé furent aussi crédibles), et sur laquelle on ne saura rien ou peu de choses.
Car ce qui intéresse McDougall ne réside pas dans la fabrication de scènes spectaculaires (destructions, panique : tout cela a déjà eu lieu tandis que nous étions sous terre), mais dans l’étude quasi philosophique d’une humanité contrainte de repartir de zéro.
Produit par Harry Belafonte, Le monde, la chair et le Diable est enfin, et peut‑être surtout, une formidable métaphore progressiste : ce n’est bien sûr pas un hasard, qu’en ces temps de post‑maccarthysme et de combat pour les droits civiques, le héros soit interprété par un acteur noir. Et que la question raciale, suite à la rencontre avec deux autres survivants (Inger Stevens et Mel Ferrer), devienne centrale. Un chef‑d’œuvre du genre, d’une grande beauté plastique et visuelle.