par Laurence Mijoin-Duroche
08 juillet 2010 - 16h11

Le monde du silence

année
1956
Réalisateurs
AvecFrédéric Dumas, Albert Falco, Jacques-Yves Cousteau, François Saout, André Laban, Simone Cousteau
éditeur
genre
notes
critique
7
10
A

En 1956 est présenté au Festival de Cannes Le monde du silence, un documentaire en couleurs sur le monde sous‑marin réalisé par Jacques‑Yves Cousteau et son assistant, un certain Louis Malle, qui commence là sa carrière de cinéaste. À l’époque, ce recueil d’images des eaux du Golfe Persique, de la mer Méditerranée, de la mer Rouge et de l’océan Indien bouleverse les foules, et pour cause : les expéditions du navire La Calypso offrent pour la première fois au public des clichés époustouflants de la vie sous‑marine, même si le réalisateur italien Folco Quilici avait été un précurseur du genre avec Le sixième continent en 1954.

Pour la première fois, également, un documentaire remporte la Palme d’or, et il faudra attendre l’année 2004 pour que Michael Moore, avec son Fahrenheit 9/11, prenne la relève. Le commandant Cousteau avait frappé fort, marquant au fer rouge l’imaginaire collectif avec des scènes brutales, mises en scène pour la plupart dans le but de mettre en boîte l’image choc. Salué par les critiques de l’époque pour sa spontanéité, ce film d’aventures avait été en réalité entièrement prémédité, chaque séquence ayant été réfléchie et préparée en amont par Cousteau et Malle.

Mais surtout, ce fut la mise en scène des situations avec les animaux qui prêta à controverse. On y voit notamment une explosion à la dynamite d’un récif corallien dans le simple but de tuer la faune afin de recenser les espèces plus aisément, un bébé cachalot « accidentellement » blessé par les pales de l’hélice du navire, que l’équipage achève ensuite d’une balle dans la tête pour abréger ses souffrances. Si les circonstances du drame restent énigmatiques, l’issue ne l’est pas du tout : une horde de requins, attirés par les litres de sang répandus dans la mer, s’attaquent à la carcasse du cétacé. C’est alors qu’une voix off rappelle le « contentieux » séculaire existant entre les pêcheurs et les squales. L’équipage, enragé, harponnera les requins les uns après les autres et les massacrera sans pitié dans un élan de sauvagerie primitive.

Cinquante‑quatre ans plus tard, de telles exactions montrées dans un documentaire seraient inimaginables. Il suffit de revoir Océans de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud pour se convaincre de la considérable prise de conscience populaire des problématiques environnementales. En quelques décennies, l’apparition de l’écologie et sa diffusion à une large échelle a fortement contribué au bouleversement des mentalités. Dans les années 50, à une époque où la diminution inquiétante des ressources halieutiques n’était pas encore d’actualité, où le rôle des grands prédateurs n’était pas clairement défini, et où la notion d’intelligence animale ne concernait guère le grand public, de tels comportements ne pouvaient être jugés barbares. En cela, et pour toutes ses qualités techniques (caméras et éclairages spécialement mis au point pour les prises de vues sous‑marines), Le monde du silence reste un document unique, parfois dérangeant, souvent majestueux, et surtout, témoin d’une époque révolue et naïve, où l’on croyait encore en l’abondance et l'infinie bonté de Mère Nature.

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Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
19/05/2010
image
BD-50, 82', zone B
1.85
HD 1 080p (AVC)
16/9 natif
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 2.0
sous-titres
Aucun
7
10
image
La qualité de la copie est ici presque aussi importante que le contenu, le documentaire ayant bénéficié d'une restauration complète, dont on peut voir l'apport grâce au bonus « L'excellence de la restauration avant/après ». Car si du premier coup d’œil, l'image n'offre pas les propriétés d'un disque haute définition ultime, le comparatif avant/après prouve qu'il existe un fossé entre les deux versions. Désormais, le film du commandant Cousteau et de Louis Malle profite de couleurs chaudes et beaucoup plus vives que dans la version d'origine. Les coraux retrouvent leurs teintes écarlates, les mers chaudes leur bleu, profond ou turquoise, et le piqué est bien plus appuyé. Quant au grain et aux défauts de pellicule, très présents au départ, ils sont considérablement atténués, même si tous les points blancs n'ont pas été effacés. On remarque également l'omniprésence de deux points verticaux au milieu de l'écran. Dans l'ensemble, du joli travail qui n'aurait de toute façon pas pu atteindre la perfection compte tenu du matériau de base.
5
10
son
L'unique piste, en français DTS-HD Master Audio 2.0, délivre une qualité sonore un brin désuète, avec des musiques de fanfare très présentes et des dialogues parfois étouffés, manquant de naturel. On distingue aussi clairement le doublage des voix de l'équipage et les bruitages effectués en studio. Le plus surprenant reste sans aucun doute l'utilisation de musiques guillerettes accompagnant des séquences loin de l'être (les poissons agonisant sur la plage). Là encore, il était difficile de faire mieux vu le support sonore d'origine.
7
10
bonus
- Du silence et des hommes, les pionniers du monde (49')
- Deux hommes, un chef-d’œuvre en SD (20')
- Bande-annonce originale (3')
- L'excellence de la restauration avant/après (3')
- Galerie de photos du tournage
Le supplément « Du silence et des hommes, les pionniers du monde », réalisé par le journaliste Jérôme Wybon, compile les propos d'André Laban, pionnier de l’équipe Cousteau qui fut responsable de la conception des caméras, Franck Machu, auteur de Cousteau, 20 000 rêves sous les mers, et Pierre Billard, auteur de Louis Malle, le rebelle solitaire. Fort intéressant, ce bonus de près de cinquante minutes, entrecoupé d'une interview de Louis Malle en anglais, revient sur l'incroyable collaboration du jeune assistant, alors étudiant à l'IDHEC, avec le commandant Cousteau. On découvre comment ont été relevés avec brio les défis techniques, comment a été accueilli le film au Festival de Cannes en 1956, les différents intervenants n'oubliant jamais de replacer le tournage dans son contexte de l'époque. Le bonus « Deux hommes, un chef-d’œuvre » présente un entretien inédit entre Cousteau et Malle de 1993, dans lequel les deux hommes se remémorent leur collaboration passée, et notamment la manière dont les scènes de massacre ont été jugées ultérieurement, notamment aux États-Unis. À ce sujet, le réalisateur d'Ascenseur pour l'échafaud fait preuve d'une mauvaise foi incroyable, déclarant que « la télévision américaine est tout aussi violente. Quand on tue des gens, ça va, mais quand on tue un animal, on se fait insulter… », omettant de préciser qu'ici, les mises à mort n'étaient pas simulées. Enfin, le supplément « L'excellence de la restauration avant/après » propose un comparatif de l'ancienne copie et de l'édition Blu-Ray en écran splitté. Impressionnant, mais trop court.
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