Le majordome
Né dans une plantation du Sud, Cecil Gaines réussit à être engagé comme majordome à la Maison‑Blanche. L’homme va servir en silence sous sept présidents américains, d'Eisenhower à Reagan, tandis que son fils Louis devient un acteur majeur du grand mouvement des droits civiques.
Un sujet en or, un acteur couvert de prix (Forest Whitaker), une ahurissante distribution de seconds rôles (Robin Williams, Jane Fonda, John Cusack, Vanessa Redgrave, Alan Rickman…). Visiblement, Lee Daniels, réalisateur de Precious, n’a pas froid aux yeux : Le majordome brosse près de six décennies de lutte pour l’égalité des Afro‑Américains !
Pourtant, malgré ou à cause de l’ampleur de son sujet, Lee Daniels livre un film très sage. Certains aspects sont dignes d’emballement : si Forest Withaker en fait un peu trop dans la retenue, l’animatrice télé Oprah Winfrey est stupéfiante de justesse. Les grandes dates (Freedom Riders, Little Rock…) de la marche vers l’égalité sont bien dépeintes, cadrage et photographie compris. Telle une belle porcelaine façonnée par un artisan appliqué, Le majordome éduque, flatte l’œil, titille, mais se révèle dépourvu de souffle, du moindre grain de folie. Le vent de l’Histoire ne gonfle donc jamais ses voiles malgré un sujet 24 carats et une incroyable conjugaison de talents.
On pourrait croire que cet ultra‑classicisme est un accident. Il s’avère plutôt un savant (bon) calcul pour Lee Daniels : le film a été son plus gros succès (165 millions dollars au box‑office). Il permet aussi à pas mal de monde de comprendre, avec rondeur et sans aspérité (allusions légères à la tentation de la violence des Black Panthers), une portion fondamentale et pourtant mal connue de l’histoire des USA. En termes pédagogiques et financiers, Le majordome est donc une réussite. Mais la grande fresque sur les droits civiques reste à réaliser.