Le livre des solutions
Marc Becker s’enfuit avec les rushs de son dernier film chez sa tante Denise pour tenter de retrouver sa créativité aux côtés de son assistante Sylvia et sa monteuse Charlotte. Il fourmille tellement d'idées qu'il décide d'écrire Le livre des solutions, un ouvrage rempli de conseils plus ou moins efficaces pour réaliser un film.
C’est un beau roman, c’est une belle histoire
Il aura fallu presque dix ans à Michel Gondry, après Microbe et Gasoil, pour réaliser un film. Cette patience a porté ses fruits puisque ce Livre des solutions est un petit bijou d’inventivité, de poésie et d’introspections hilarantes du cinéaste lui‑même, génialement interprété par Pierre Niney. Très autobiographique, il raconte peu ou prou la post‑production du film de Gondry L’écume des jours, marquée par la bipolarité de l’artiste. Il est à la fois très personnel et très universel. Sans doute un peu narcissique mais véritablement sincère. Et au final, très touchant. Le film porte en filigrane la souffrance de son auteur en crise, incapable de communiquer aux autres ses inspirations créatives nécessaires à son existence même (superbe séquence de l'orchestre improvisé).
Marc Becker (Pierre Niney) est si infernal qu'on ne peut qu’admirer l’extrême patience de Charlotte (Blanche Gardin) et de Denise (Francoise Lebrun), limites fanatisées par sa folie douce. La vision de la création et de l’artiste lui‑même, véhiculée par le film, peut sans doute faire peur et décontenancer, ses obsessions aussi. Mais le recul de Gondry désamorce tout cela dans un rythme infernal qui, il faut bien l’avouer, tourne parfois un peu en rond, quitte à emprunter quelques culs‑de‑sac. Qu’importe, le film est une véritable proposition cinématographique inclassable au charme fou, pour qui y est bien entendu sensible. Les autres risquent de s’ennuyer ferme sans être touchés par les gesticulations du héros.
Livre de poche
C’est un peu la limite de ce Livre des solutions. On peut facilement passer à côté. Si le thème du film est universel (les affres de la création et les difficultés de la communication), l'œuvre l’est peut‑être un peu moins.
À la limite du malaisant, parfois déstabilisant, le film est bordeline tout le temps. Mais c’est aussi ce qui fait sa charmante singularité. Le cinéma de Gondry ne ressemble à aucun autre, et avec ce Livre des solutions qui n’en apporte aucune, le cinéaste creuse encore plus le sillon de son incroyable étrangeté. Il retrouve même, au détour de quelques scènes, la poésie de son chef‑d'œuvre Eternal Sunshine of the Spoltless Mind (les moyens financiers en moins). Il lui manque juste sa puissance romantique. C'est ce petit rien qui fait toute la différence entre un beau film de cinéphile et une œuvre universelle…