Le jour se lève
Un coup de feu retentit. Un homme blessé au ventre sort d’un appartement pour s’effondrer dans les escaliers. Les policiers arrivent, l’auteur de l’assassinat s’obstine à rester chez lui, tournant en rond dans la pièce exigüe et fumant sans cesse, il se souvient.
La séquence inaugurale du film marque autant par son absence de points de repère scénaristiques que la retenue à la fois rétrospective et subjective appliquée à la réminiscence de son protagoniste François (Jean Gabin, extraordinaire).
Classique du réalisme poétique issu du tandem Carné-Prévert (initiateur du genre), Le jour se lève explore à rebours les parcelles aigres‑douces qui composent le tournant dramatique de l’existence d’un ouvrier modeste, poussé au meurtre par amour et jalousie.
Si la forme empruntée puise sans aucun doute dans l’esthétique nébuleuse de l’école des années 30, les fondus enchaînés précisent le passage du présent (celui des badauds attroupés et des forces de l’ordre tirant à bout portant) à la réappropriation d’un passé intimiste. Il est cependant évident que la posture tragique de François et le huis clos dont il se fait prisonnier, bien avant même que la justice ne soit intervenue, anticipent en 1939 l’avènement sombre et inexorable de la guerre.