Le Havre
C’est l’histoire de Marcel Marx, un vieillard humaniste (André Wilms) dont la femme tombe malade au moment où un jeune enfant immigré réfugié débarque dans sa vie.
Le cinéaste finlandais Aki Kaurismaki (L’homme sans passé, Au loin s’en vont les nuages) continue dans sa veine sociétale mâtinée d’onirisme. Exploitant un fait actuel similaire au Welcome de Philippe Lioret, Le Havre aborde le problème de l’immigration clandestine et des sans‑papiers, mais sans aucun pathos, sans aucun désir de délivrer un message ou un tract.
Devant la caméra de Kaurismaki, le Havre n’a rien de cette ville portuaire triste et grisou, mais ressemble plutôt au Cherbourg coloré et enchanté filmé par Jacques Demy. Très vite, le film efface tout repère réaliste et plonge dans un espace proche d’un conte moderne, avec des allées de maisons chatoyantes qui semblent revenues des années 1950, un bar ironiquement appelé « Le Moderne » où l’on peut encore fumer, des commerces d’autrefois et même un métier disparu, celui de Max, le petit cireur de chaussures.
Pourtant, au milieu de ce barnum qui aurait pu verser dans la nostalgie rance façon Amélie Poulain ou Les choristes, Kaurismaki filme un container rempli de clandestins africains, introduit des images d’archives actuelles (le camp de Sangatte), des policiers en gilet jaune fluo et même un journal qui préside la date à laquelle se déroule l’action, 2007.
Toute l’originalité du Havre réside justement dans sa manière de fabriquer un conte atemporel à partir d’un sujet diablement actuel, même si on sent poindre parfois un soupçon de manichéisme, puisque tout ce qui provient du passé se situe du côté du Bien, tandis que tout ce qui émane du présent, charrie une part sombre et négative. Petit bémol pour ce film atypique, touchant, sensible et remarquablement interprété.