Le dernier roi d'Écosse
Plongée dans les années noires du régime d’Idi Amin Dada, dictateur ougandais. Début des années 1970. Un jeune docteur, Nicholas Carrigan, quitte son Écosse natale pour un dispensaire perdu au fin fond de la campagne ougandaise. Personnage fictif qui, très vite, devient le médecin personnel d’Amin Dada, qu’un coup d’État vient de porter au pouvoir.
Le film adopte alors le point de vue naïf de ce jeune homme qui, fasciné par ce tyran charismatique, choisit de pas ouvrir les yeux sur la réalité d’une dictature sanglante (plus de 300 000 personnes tuées). Choyé par ce général qui en fait son conseiller, son protégé, son fils spirituel et son homme de confiance, Carrigan jouit bientôt d’un confort qui l’anesthésie et fait écran à la réalité sordide d’un régime auquel, sans s’en rendre compte et impunément, il prête main‑forte.
Trente ans après le documentaire de Barbet Schroeder (Général Idi Amin Dada, 1974), Kevin McDonald s’attaque à la personnalité de ce tortionnaire exubérant qui, entre autres faits d’armes, expulsa les Asiatiques de son pays en citant les Black Panthers (restituer l’Afrique aux Noirs), tortura et élimina des milliers d’intellectuels, de juges, de journalistes et d’enseignants, démembra l’une de ses femmes qu’il suspectait d’adultère, et ouvrit en 1976 les pistes de l’aéroport d’Entebe à des terroristes palestiniens venant de détourner un avion rempli d’Israéliens.
Mais, contrairement à la plupart des « films de dictateurs », McDonald choisit de prendre son personnage au sérieux. Il le dépeint comme un être extravagant plutôt que grotesque, un psychopathe paranoïaque plutôt qu’un bouffon. À la fois brute grandiloquente, général rigolard flanqué d’un kilt et d’une veste bardée de médailles qu’il arbore comme un enfant, et molosse cyclothymique capable de passer en une fraction de seconde de la folie à un paternalisme dégoulinant, Amin Dada est interprété par Forest Whitaker qui, on ne le dit pas assez, est assurément l’un des plus grands acteurs contemporains.
Nul doute que lorsqu’il réalise ce film, McDonald a d’autres tragédies africaines dans le rétroviseur et entend décortiquer la façon dont s’organise parfois la complicité objective entre les dictatures du Tiers‑Monde et les pays occidentaux. À revoir de toute urgence.