par Laurence Mijoin
09 avril 2014 - 10h42

Le congrès

VO
The Congress
année
2013
Réalisateur
InterprètesRobin Wright, Harvey Keitel, Danny Huston, Jon Hamm, Paul Giamatti, Kodi Smit-McPhee
éditeur
genre
notes
critique
7
10
A

Premier plan : Robin Wright (jouée par… Robin Wright), face caméra, verse une larme. Elle écoute sans broncher les reproches de son agent (Harvey Keitel), qui lui rappelle ses choix désastreux. Les mauvais rôles, les mauvais mecs. Princess Bride et Forrest Gump sont loin derrière elle, et sa carrière n'a jamais vraiment pris son envol.

Sans doute aussi parce qu'elle a voulu s'occuper de ses deux enfants, Sarah et Aaron. Celui‑ci (porté par le très expressif Kodi Smit‑McPhee), jeune ado fasciné par les cerfs‑volants, est malade. Le syndrome d'Usher. Avec l'âge, il va perdre peu à peu l'ouïe et la vue. Pour avoir plus de temps auprès de son fils, la star déchue va signer un pacte avec le Diable.

En échange d'un gros cachet, la belle quadra, à peine marquée par le temps, va « vendre » à la Miramount son image, ses émotions, son talent. Scannée sous toutes ses coutures pour être utilisée à volonté dans les films de la major hollywoodienne, même ceux qu'elle aurait refusés, l'actrice devra en échange disparaître durant vingt ans et ne plus jouer. Pour faire place à son alias numérique.

Vingt ans plus tard, à la fin du contrat, Robin Wright est conviée en tant qu'invitée d'honneur au congrès Miramount‑Nagasaki. Là, l'attend un monde nouveau, psychédélique et surréaliste, où chacun peut littéralement faire son cinéma. Pour y accéder, il suffit d'inhaler une mystérieuse capsule…

Avec l'acclamé Valse avec Bachir (2008), film d'animation autobiographique sur fond de guerre du Liban qu'il a qualifié de « thérapie », le réalisateur Ari Folman faisait se rejoindre réalité et fiction en se mettant lui‑même en scène afin d'illustrer l'aliénation. En adaptant à la fois en « live » et en animation Le congrès de futurologie, roman de science‑fiction de l'écrivain polonais Stanislaw Lem, le cinéaste reprend le même procédé, l'appliquant cette fois à Robin Wright.

Celle‑ci joue donc son propre rôle, sans que ce soit tout à fait elle. Et c'est par ce procédé « métafilmique » que Folman va pouvoir aborder la thématique apparemment majeure de son film : la dictature de la machinerie hollywoodienne qui modèle ses artistes comme des produits publicitaires jusqu'à altérer irrémédiablement leur identité. C'est donc ici le numérique, via le scanner, qui représente la menace, celle d'annihiler l'humain au profit de son avatar. Avatar qui lui garantit, paradoxalement, l'éternelle jeunesse, l'immortalité.

Mais tout ceci n'est que l'enveloppe de cet ambitieux Congrès, sa première peau. De prime abord réflexion sur le cinéma et son avenir, ce film coupé en deux, dont la première partie en prises de vues réelles fait place au mitan du métrage à une animation follement inventive (principalement inspirée des dessins animés des frères Fleischer comme Betty Boop, mais aussi des œuvres de Jérôme Bosch), se recentre sur une autre thématique, celle de la fuite vers un univers virtuel et du possible bonheur que l'on peut y trouver. Et comme dans Matrix ou le récent Her, Le congrès pose la question sans juger. Ce sera donc au spectateur de choisir son camp : rester dans la réalité, aussi laide puisse‑t‑elle être, ou s'échapper dans un monde imaginaire et devenir ce que l'on rêve (Michael Jackson, Picasso fricotant avec Beyoncé ou encore Grace Jones, dans le film, tout est possible), en s'affranchissant de tout déterminisme.

Fascinant et confus, majestueux et bancal, dans sa forme comme dans son fond, Le congrès, toujours entre deux eaux, entre deux mondes, fait finalement son choix dans une conclusion vertigineuse à l'issue aussi simple que bouleversante : il suffit d'aller là où se trouve l'amour.

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The Congress
Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
08/04/2014
image
BD-50, 123', zone B
1.85
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
Audiodescription DTS 2.0
sous-titres
Français, français pour sourds et malentendants
10
10
image
Qu'il s'agisse des prises de vues réelles ou des séquences animées, le rendu est impeccable. Concernant les séquences live, on apprécie le piqué qui permet de scruter chaque relief du visage de la magnifique Robin Wright, filmée de très près, la stabilité de l'image en toutes circonstances, même dans ses zones d'ombre, sa pureté cristalline (on peut très nettement distinguer une poussière flotter dans l'air), ses contrastes appuyés (voir par exemple la scène du scanner, au rendu très futuriste, alors que cette installation existe bel et bien !) et la restitution sans faille des jeux de lumière, très doux. Des choix de photo et d'éclairage aux antipodes des tons vifs et psychédéliques de la partie animée, qui présente les mêmes qualités d'image. À peine distingue‑t‑on un très léger fourmillement sur un dégradé de noir et rouge. Mais à une distance raisonnable de l'écran, cet infime défaut n'en est plus un !
8
10
son
VO et VF bénéficient toutes deux du DTS‑HD Master Audio 5.1. Si la piste française se révèle moins pêchue, elle présente un mixage et des effets sonores équivalents à la piste anglaise. Seules les voix en pâtissent, le rendu étant moins naturel. De toute façon, on ne peut qu'encourager à choisir la version originale, notamment pour profiter de toutes les nuances du jeu des acteurs. Un monologue de Harvey Keitel ou de Danny Huston, ça ne se refuse pas ! Notons une différence d'effets, savamment dosée, entre la première partie dans le monde réel et la seconde, dans le monde virtuel. Employés avec subtilité au début du film, les différents canaux se réveillent dès la première séquence animée. Les instruments et les bruits étranges se déchaînent, la batterie résonne sur les enceintes arrière dans un maelström de sons fantastiques. D'ailleurs, les passionnés de bruitages pourront découvrir le travail sur le film dans le making of. Enfin, mentionnons l'audiodescription et les sous‑titres pour sourds et malentendants. Bel effort de la part de l'éditeur.
5
10
bonus
- Commentaires audio d'Ari Folman, David Polonsky et Yoni Goodman
- Making of (13')
- Bande-annonce
Le commentaire audio du cinéaste, accompagné de son production designer David Polonsky et de son directeur de l'animation Yoni Goodman, apporte une multitude d'informations passionnantes, à la fois sur la genèse du film (les circonstances du choix de Robin Wright et son implication totale dans le processus de création), le travail avec les acteurs sur le plateau (le coup de cœur de Folman pour Paul Giamatti, la collaboration passionnante avec le têtu Harvey Keitel et le très drôle Danny Huston), le choix des décors et les thématiques abordées. Face aux difficultés rencontrées et au vu de l'envergure du projet, Ari Folman apparaît comme un grand réalisateur, capable de fermeté et de souplesse au niveau de la direction d'acteur, et toujours prêt à remodeler son matériau en cas d'imprévu. Le making of de 13' décortique quelques séquences animées, révélant les différentes étapes du processus de création. On y découvre notamment que les acteurs ont réellement joué toutes les scènes animées, afin de livrer un doublage plus juste, mais aussi de permettre aux animateurs de s'inspirer de leurs gestes et déplacements pour croquer leurs personnages. On y voit également le travail du bruiteur et différents croquis. Ce qui traduit bien le côté artisanal de l'entreprise.
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