Le cœur a ses raisons
Shira, 18 ans, vit dans une famille juive orthodoxe en Israël et rêve de mariage. Mais Esther, sa sœur aînée, meurt en couche. Yochay, son beau‑frère, ne pouvant s’occuper seul du bébé, envisage de se remarier avec une coreligionnaire en Belgique. Pour ne pas perdre de vue son petit‑fils, la mère de Shira commence à manœuvrer pour que la jeune femme épouse Yochay.
En réalisant ce premier film à 45 ans, Rama Burshtein, elle‑même pratiquante orthodoxe, voulait que sa communauté « tonitruante sur le terrain politique » ait aussi « une voix » sur le terrain de l’art et de la culture. Force est de constater que son regard quasi‑documentaire, porté par une photographie soignée bien qu’abusant d’effets de focale, ouvre une fenêtre sur un univers social et religieux souvent considéré comme hermétique.
Le choix de la jeune interprète de Shira, Hadas Yaron, récompensée au Festival de Venise, s’avère lui aussi une belle idée tant la jeune femme, très expressive, arrive à communiquer les tourments et tumultes intimes d'un personnage pourtant taiseux.
Sur le fond, on est par contre plus partagés tant la réalisatrice laisse traîner de pointillés. Le scénario développe‑t‑il l’idée qu’un amour peut naître même au cœur de contraintes sociales, familiales et religieuses ? Shira doit-elle faire son deuil avant d’oser considérer ses propres sentiments ? Finit‑elle par se laisser aller à un vrai élan du cœur ou se plie‑t‑elle à « ce qu’il convient » ? On avoue ne pas trop savoir tant la réalisatrice multiplie les possibles, tant les différentes séquences semblent, en permanence, changer d'optique et danser entre les possibles (soumission, résignation, emballement) sans en choisir un seul. Et ce, jusqu’au plan final, qui paraît en totale contradiction avec la scène qui l'a précédée.
Opter pour un regard délicat afin d'explorer un univers obéissant à des règles strictes offrait une belle idée de départ. Mais la délicatesse ici déployée est finalement assez vaine tant on peine à percevoir le point de vue de la réalisatrice et de son récit.