Le bonheur
Chakal (Charles Boyer) est un caricaturiste marginal qui ne manque pas une occasion, derrière la verve de ses ébauches et la férocité relative à son pseudonyme, de critiquer la société et son enclin naturel vers l’illusoire. Un jour, il décide de tirer sur Clara Stuart, une actrice fort célèbre, fraîchement débarquée des États‑Unis. Soit, pour lui, une occasion inespérée de servir la cause anarchiste. Subitement, sa victime s’éprend de son improbable meurtrier.
Adaptation d’une pièce à succès de Henry Bernstein (qu’il préféra même à sa propre pièce à travers l’objectif de Marcel L’Herbier), Le bonheur interroge la réalité et les conditions de possibilités de son mimétisme. Autrement dit, quelle est la limite entre le fait divers et sa représentation fictive, dès lors qu’un certain cinéma (commercial et très peu inspiré) dérobe à la vraie vie des parcelles d’événements, plus médiatisés qu’ils n’ont d’intérêt.
Par ailleurs, s’immisce l’autre film dans le film, celui du tournage du prétendu meurtre de l’actrice Clara Stuart, alors interprète de son propre rôle, dans une gare en effervescence. L’œil désabusé mais lucide de Chakal sur ces coulisses superficielles, où l’artifice règne en maître, ne lui épargnera pas son caprice de star qu’elle prend pour de l’amour.
Quoi de plus pertinent qu’une œuvre de cinéma fustigeant l’essence même du cinéma ? Sublime et factice à la fois.