Laisse-moi entrer
Albuquerque, Nouveau‑Mexique, années 80. Owen, préadolescent martyrisé par les durs de son collège et esseulé depuis que ses parents ont entamé une procédure de divorce, voit l’arrivée de la jeune Abby dans sa résidence comme un salut. Les deux êtres solitaires vont se rapprocher inexorablement. Pendant ce temps, des cadavres fleurissent alentour. Car Abby n’est pas une petite fille comme les autres…
Laisse‑moi entrer ‑et Morse, son modèle suédois de Tomas Alfredson‑ est au film de vampires ce que Monsters peut être au film d’extraterrestres. On y retrouve la même volonté de flirter avec le film d’auteur, de s’écarter des codes du genre, voire de s’en affranchir pour filer la métaphore avec le véritable sujet de l’œuvre : dans Monsters, une histoire d’amour menée par l’urgence de vivre ; dans Laisse‑moi entrer, le rude passage de l’enfance à l’adolescence, la découverte de sa part animale, les premiers émois sexuels et amoureux, la violence du monde.
Il faut reconnaître que ces sujets‑là sont parfaitement traités. Ici, le jeune Owen, interprété au diapason par Kodi Smit‑McPhee (vu dans La route), est bien plus effrayé par les menaces de ses cruels camarades de classe que par la véritable nature de sa nouvelle copine, Abby (Chloe Moretz, géniale super‑héroïne de Kick‑Ass). Surtout, l’enfance est dépeinte comme un mélange d’innocence et de bestialité, de bien et de mal. Le garçon, voyeur (il épie ses voisins avec son télescope) et perturbé par ses pulsions vengeresses, est avant tout un enfant doux mais malheureux car isolé, abandonné par ses parents (à ce titre, les adultes sont les grands absents du film, dépeints pour certains comme des fantômes incapables de communiquer avec leur progéniture).
On peut toutefois se demander l’intérêt d’un tel remake, qui ne s’éloigne que rarement de son modèle, et livre quelques séquences maladroites (on reprochera l'abus de CGI ‑Computer Generated Imagery‑ souvent malheureux, notamment le déplacement animal d'Abby, trop mécanique et spectaculaire, rompant la volonté de réalisme du long métrage). Au lieu de la Suède des années 80, c’est à la même époque mais aux États‑Unis que le récit se déroule. Tourné en hiver au Nouveau‑Mexique, le film de Matt Reeves (réalisateur de Cloverfield) paraît donc un peu plus chaleureux que Morse, son modèle.
Plus timide aussi, moins jusqu’au‑boutiste et plus explicite sur ses thématiques et ses sous‑textes, ce remake est également moins lent et austère, ce qui rendra l’expérience plus abordable pour le grand public. Dommage qu’il faille passer quasi systématiquement par des remakes américains, aussi honnêtes soient‑ils, pour découvrir des œuvres qui ne parviennent que difficilement à sortir de leurs frontières.