À la Une du New York Times
Révolution numérique, multiplication des blogs, des sites d’information gratuits et des réseaux sociaux comme Twitter, diminution des recettes publicitaires, nouvelle donne avec la naissance de WikiLeaks : plus que jamais, la presse écrite est menacée. Tandis que bon nombre de titres périclitent et meurent, le New York Times, véritable institution créée en 1851, tente de résister et de conserver sa suprématie, malgré les coups durs, les licenciements économiques, le Web qui engloutit tout…
En plein tumulte, le réalisateur Andrew Rossi a plongé dans les entrailles de la rédaction du mythique New York Times, malmené par une crise multiple. Outre la menace internet, ces dernières années ont bouleversé de diverses manières le quotidien : l’irruption de WikiLeaks, la guerre en Irak et les faux scoops de certains de ses journalistes sur les prétendues armes de destruction massive, comme Judith Miller, les accusations de manque de transparence envers ses lecteurs.
Tentant de se protéger des coups qui l’assaillent de tous côtés, le journal ne plie pas ‑malgré un licenciement économique d’une centaine de personnes‑, à l’image de l’une de ses plus illustres plumes, David Carr. Ancien junkie accro au crack passé par la case prison, puis devenu l’un des plus brillants reporters du Times, ce personnage au franc‑parler jubilatoire et à l’humour mordant incarne un certain idéal de la profession : sans concession, sans compromis, remarquablement intelligent. Rossi lui emboîte le pas durant une bonne partie du doc, faisant de l’homme la mascotte du journal.
Ce dernier sera le fil rouge de cette « histoire », qui oscille entre chant du cygne et résistance qui force l’admiration ‑tout comme le talent et l’investissement des journalistes du canard‑. On voit ces hommes et ces femmes se poser d’innombrables questions quant à l’avenir de la presse écrite, à sa mutation qu’ils subissent de plein fouet, réfléchir à des solutions pour sauver cette profession en perdition qu’est le journalisme d’investigation. Sans doute autrefois un pléonasme, mais plus que jamais utilisé à raison.
La nouvelle génération est représentée par Brian Stelter, blogueur influent et de talent recruté par le Times comme force vive. Lui et David Carr, que l’on aurait pu imaginer s’affronter en dignes apôtres, l’un du journalisme online, l’autre de la presse papier, ont fraternisé et échangent leurs savoirs respectifs pour le bien du journal qu’ils servent. Une fusion qui tend à prouver que si l’évolution et la révolution numérique sont irrémédiables, des formules hybrides n’en sont pas moins viables… à condition de mettre en place un modèle économique rentable. Le nerf de la guerre.
Un doc foisonnant, dynamique et rythmé, qui propose une passionnante et émouvante photographie d’une institution qui, malgré ses tressaillements, conserve une influence et une aura rares.