La tête en friche
Quelque part en Charente, dans une petite commune où le temps semble s’être arrêté. Germain (Gérard Depardieu) n’est pas ce qu’on peut appeler une personne cultivée. Quasiment analphabète, il s’épanouit malgré tout dans les plaisirs simples de la vie : son potager, le bistrot du coin et ses potes piliers de bar, le parc où il se rend chaque jour pour y compter les pigeons, et son amoureuse Annette, jolie jeune femme pressée d’avoir une descendance.
Mais le bonheur n’est pas simple pour Germain, constamment moqué par les clients du bar pour son inculture, son côté brut de décoffrage, son physique d’Obélix. Enfant rejeté par sa propre mère, par ses instituteurs, il a bien du mal à évoluer dans ce monde. Jusqu’au jour où il rencontre Margueritte (Gisèle Casadesus), vieille dame qui, comme lui, vient compter les pigeons dans le parc, et surtout, bouquiner. Ancienne scientifique, amoureuse des belles lettres, elle va prendre Germain sous son aile, avec toute la bienveillance possible, et lui lire de grands classiques de la littérature. Pour lui apprendre le goût des mots, et aussi lui faire comprendre qu’il a beaucoup à donner aux autres.
Chantre d’un cinéma naturaliste, prônant le retour aux choses simples de la vie (la campagne, la bonne chère…), Jean Becker (L’été meurtrier, Les enfants du marais, Élisa, Deux jours à tuer…) s’attaque ici à l’adaptation d’un roman de Marie‑Sabine Roger. La tête en friche en question, c’est celle du personnage de Gérard Depardieu (au jeu très proche de sa prestation dans Mammuth des trublions Delépine et Kervern), homme simple, simplet il faut l’avouer, attendant d’être cultivé. Et c’est la sagesse de cette dame âgée qui lui ouvrira les yeux, avec une infinie bonté.
Hélas, les thèmes de prédilection du cinéma de Becker se transforment parfois en tics, comme c’est le cas ici. Alors qu’il dosait plus subtilement son ode à la ruralité dans Deux jours à tuer, le metteur en scène fait de La tête en friche un hommage aux « vraies gens », à ceux qui ont du cœur, à défaut d’avoir la tête bien pleine. Ce qui ne nous apparaît pourtant pas antinomique.
Bourré de bons sentiments, le film (accompagné d’une musique fleur bleue signée Laurent Voulzy) se pose hélas en arbitre jugeant ce qui est bon et ce qui ne l’est pas (la campagne contre la ville, la culture contre les grands sentiments), illustrant ses propos à grand renfort de personnages caricaturaux (Patrick Bouchitey en cruciverbiste moqueur, le méchant instituteur joué par Régis Laspalès). Manichéenne, donc, cette comédie vante les mérites d’une France surannée, et s’érige contre l’intelligentsia des grandes métropoles.